"Le Monde" : Jean-Luc Hees remplacera Jean-Paul Cluzel à Radio France

Publié le 01 avril 2009 par Sylvainrakotoarison
(dépêches)
Radio France : Cluzel remercié, Hees pour le remplacer
LEMONDE.FR | 01.04.09 | 19h27  •  Mis à jour le 01.04.09 | 20h15
Jean-Paul Cluzel, PDG de Radio France, ne sera pas reconduit à la fin de son mandat à la mi-mai. L'Elysée l'annoncera, jeudi 2 avril, dans un communiqué et proposera le nom de Jean-Luc Hees au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour le remplacer. M. Cluzel a été averti de cette décision mercredi matin par un coup de téléphone de Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée. Le 17 mars, l'actuel PDG de Radio France avait été reçu par Nicolas Sarkozy, qui avait laissé "les choses en suspens" concernant son éventuel renouvellement.
Pour être nommé, M. Hees devra passer plusieurs étapes, comme le prévoit la nouvelle loi sur l'audiovisuel public. Il sera d'abord entendu par le CSA, auquel il présentera un projet pour Radio France. Les "Sages" voteront ensuite à bulletin secret à la majorité simple sur sa candidature. Si le vote est négatif, M. Hees n'aura aucun recours et M. Sarkozy devra proposer un autre candidat. Si le CSA approuve la candidature de M. Hees, celui-ci sera ensuite auditionné par chacune des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui délibéreront et procéderont à un vote. Si aucune majorité qualifiée (trois cinquièmes) ne s'oppose à sa nomination, il sera alors nommé lors du conseil des ministres suivant.
Agé de 57 ans, M. Hees, qui a une longue carrière à la Maison de la radio, où il est entré en 1972, avait été évincé en 2004 par M. Cluzel, lors son arrivée à la présidence de Radio France. Longtemps correspondant aux Etats-Unis, il anima ensuite plusieurs émissions culturelles sur la radio publique avant d'être nommé directeur de France Inter entre 1997 et 2004. Actuellement, M. Hees anime une émission sur Radio Classique.
Daniel Psenny
Jean-Paul Cluzel : "Mon bilan à la tête de Radio France est positif"
LEMONDE.FR | 01.04.09 | 10h03  •  Mis à jour le 01.04.09 | 19h54
Cette interview a été réalisée avant que Jean-Paul Cluzel ne soit informé de sa non-reconduction à la tête de Radio France.
Jean-Paul Cluzel, vous êtes l'actuel PDG de Radio France. Vous militez pour un nouveau mandat, mais le président de la République va sans doute nommer prochainement Jean-Luc Hees à votre place. Comment vivez-vous cette situation ?

Aucun combat n'est perdu avant la fin de la bataille ! Mon bilan est positif, tant sur le plan des audiences que dans le domaine social et financier. Le groupe Radio France est redevenu le premier du pays alors qu'il était en troisième position lors de mon arrivée il y a cinq ans.
Estimez-vous Jean-Luc Hees capable de gérer une maison aussi complexe ?
Lui qui est si moderne et dont les capacités stratégiques sont bien connues ? (sourire) Cet homme qui, il y a quelques années lors d'un comité de direction de Radio France, avait déclaré : "L'Internet, c'est la mort de la radio !" ?
Moi, je crois au contraire qu'Internet constitue une formidable opportunité à saisir pour notre média. Nous devons nous adapter à cette réalité. Ce dossier est déjà bien enclenché et j'exposerai prochainement aux responsables de l'Etat un dossier complet sur cette problématique.
Le Président de la République, que vous avez rencontré mi-mars, vous a t-il expliqué son choix de ne pas renouveler votre mandat ?
Non. Nous avons parlé de principes qui nous sont chers, ceux d'Hubert Beuve-Méry qui soulignait qu'une information se doit d'être honnête, précise et vérifiée. Ce que le Président reproche aux médias en général, pas à Radio France en particulier, c'est de ne pas être assez strict sur ces principes. Il estime également que certains journalistes et humoristes manquent parfois de respect à celles et ceux qui dédient leur vie au bien public. C'est un reproche parfois recevable.
Stéphane Guillon travaille sur l'une de vos antennes. Vous ne vous êtes pas senti visé par ce reproche ?

Le problème vient de la distinction qui n'est pas toujours nette à la radio entre journaliste et humoriste. L'auditeur, qu'il soit simple citoyen ou Président de la République, peut être tenté de faire l'amalgame entre un éditorial politique et le billet d'humeur parfois excessif qui le suit.
Nicolas Sarkozy ne vous a pas adressé de reproches précis ?

Nous avons eu une discussion sérieuse entre gens sérieux ! Nous avons parlé de Pierre Desproges puis le Président a évoqué L'Oreille en coin, émission qui l'a visiblement marqué. Il m'a enfin dit que l'on se reverrait rapidement pour qu'il me fasse part de sa décision.
De quoi êtes-vous le plus fier après cinq à la tête de Radio France ?

D'une atmosphère sociale pacifiée, de chantiers en mouvements et bien sûr d'audiences positives. Les grilles de nos sept stations ont été pour certaines profondément modifiées, et le public a approuvé ces changements.
France Info dispose désormais d'un site internet digne de ce nom, Inter a évolué par petites touches, Culture reste un formidable réservoir de jeunes talents et sa grille est plus lisible, France Bleu a changé son rythme, adopté un ton plus pro et gagné 1 % d'audience en quelques mois.
FIP se porte historiquement bien et attend beaucoup du numérique. Concernant France Musique, la station doit affronter une concurrence redoutable avec Radio Classique. Son audience actuelle, autour de 1,5 %, n'est pas à la hauteur de ses qualités.
Reste Le Mou'v, station qui doit désormais viser les 18-30 ans et qui bénéficiera d'une nouvelle grille en septembre.
Propos recueillis par Alain Constant
Frédéric Schlesinger, directeur de France Inter
"Une radio de gauche, cela me fait rire"

LE MONDE | 01.04.09 | 07h51
Frédéric Schlesinger, vous êtes directeur de France Inter. Certaines chroniques de Stéphane Guillon provoquent la colère de responsables politiques. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Guillon est à l'antenne pendant trois minutes. Après lui, l'invité politique dispose de quarante minutes. Guillon ne me fait pas rire tous les jours, il se plante de temps en temps. Et alors ? Inter propose plus d'une cinquantaine d'émissions différentes et reste une vraie station généraliste.
La récente chronique de Guillon sur DSK a pris une ampleur inattendue. Comment l'expliquez-vous ?

Les radios privées sont ravies des polémiques qui peuvent naître autour d'Inter, surtout en cette période électorale ! On oublie que sur RTL, Laurent Gerra a eu des mots terribles pour DSK, tout comme Nicolas Canteloup sur Europe 1 à propos de Martine Aubry. Cela étant dit, je ne suis pas choqué lorsque le président de la République se plaint d'une chronique. Chacun est libre d'apprécier ou pas nos programmes. L'important pour les 500 professionnels qui travaillent sur Inter, c'est d'être fiers de cette station. Je crois que c'est le cas.
France Inter est-elle en lutte contre le pouvoir en place ?

Le fait que Nicolas Sarkozy soit au pouvoir n'a rien à voir avec les succès d'audience de la station. Depuis mai 2006, Inter a gagné environ un demi-million d'auditeurs. Toutes les tranches horaires ont progressé en audience. Sur notre antenne, les débats sont contradictoires et les opinions variées. Un exemple ? Nos trois chroniqueurs économiques : Bernard Maris (6 h 50) de Charlie Hebdo, Dominique Seux (7 h 20) des Echos et Philippe Lefébure (7 h 48) se succèdent sans se marcher dessus. Lorsque j'entends dire qu'Inter est une radio de gauche, cela me fait rire. Ces dernières années, nous avons réussi à gommer le côté un peu gris de cette station de service public. Nous avons ouvert les fenêtres, investi tous les domaines culturels. A mes yeux, Inter est une véritable radio alternative, autrement dit différente des autres. Ce n'est pas une radio rebelle comme j'ai pu l'entendre, mais plutôt impertinente. Inter n'attaque pas le pouvoir mais elle est sans concession face à tous les pouvoirs. Et les responsables politiques n'ont pas peur de venir parler chez nous !
L'importance des chroniques humoristiques est-elle une nouveauté sur votre antenne ?

Inter n'a pas le monopole de l'humour, mais il existe une vieille tradition : Pierre Desproges et Luis Rego dans "Le Tribunal des flagrants délires" allaient très loin. Dans un autre style, "L'Oreille en coin" a marqué les esprits. Aujourd'hui, outre les chroniques de Guillon ou Porte, une émission comme "Panique au Mangin Palace" perpétue à sa façon cette tradition.
Propos recueillis par Alain Constant
Article paru dans l'édition du 22.03.09