La soirée d'hier a été l'occasion de découvrir quelques membres les plus éminents du Réseau LHC autour d'un dîner festif. J'ai ainsi pu faire connaissance avec LOmiG, Criticus et Lolik. Une occasion de se découvrir réciproquement et d'évoquer divergences et convergences. Si un goût commun pour la liberté et les discussions enflammées nous animent tous, les divergences n'ont toutefois pas manqué.
Pour être lapidaire, je dirais que LOmiG est un libéral pur de dur et Criticus un libéral conservateur. J'ai moins bien identifié Lolik, mais je pense qu'elle évolue dans la même zone politique que LomiG.
Des divergences, il y en a tout de même eu :
Les retraites, par exemple : Lomig et Criticus sont favorables à une retraite par capitalisation. Je suis complètement opposé à cette vision. On voit comment les marchés boursiers sont instables et surtout, comment les fameux fonds de pension ont une forte propension à générer de fortes instabilités boursières en raison de la nécessité de trouver des rendements élevés. Ce n'est donc pas une bonne garantie pour les retraites. A cela s'ajoute une divergence philosophique : de mon point de vue, je m'oppose à l'idée de renvoyer l'individu à sa seule responsabilité dans le domaine de la santé et de l'éducation. Nous sommes en fait d'accord sur la nécessité de payer les retraites, mais pas sur la manière de le faire. Compte-tenu de ce qui nous pend au-dessus, je ne vois pas d'autres solutions que d'augmenter la fiscalité sur les citoyens. Même chose pour les soins. En ce sens, je ne suis pas totalement libéral, car si j'estime que les individus sont responsables de leurs actes, ils ont souvent des capacités d'anticipation limitées, et, il devient nécessaire de limiter alors leur responsabilité par l'intervention d'un acteur plus stable et plus fiable : l'État.
Nous avons ensuite évoqué l'impôt sur le revenu et nous sommes tombés d'accord sur le fait que personne, y compris les plus pauvres, ne devrait pouvoir y échapper, même si la contribution est très modeste. L'impôt est un lien social qui manifeste l'appartenance à la société. Il ne devrait y avoir ni niches fiscales qui permettent de l'éviter enitèrement, ni situations de pauvreté qui justifient de ne rien payer. Passé cet accord, nous divergeons, en revanche sur la quantité d'impôts, puisque LomiG et Criticus, et je crois, sans doute Lolik aussi sont partisans de les limiter en renvoyant à chaque individu le soin de financer lui-même le service rendu par l'État.
Criticus a par exemple évoqué l'éducation et proposé la mise en place d'un chèque-éducation afin que chaque famille puisse choisir ou non de passer par l'école publique. Cela me paraît assez curieux : pour qu'un tel système soit acceptable, il faudrait que les établissements privés aient les mêmes contraintes que les établissements publics en matière de population à accepter. In fine, je ne vois pas trop l'intérêt de la chose. Tout ce que cela risque de produire, ce sont des effets de seuil négatifs dans les effectifs scolaires qui engendreront alors des coûts supplémentaires puisqu'il faudra maintenir des postes pour des classes incomplètes ou embaucher des personnels non-formés pour boucher les trous. J'ajoute que cela risque de créer une fragmentation supplémentaire dans le système éducatif, et j'ai quelques doutes sur la salubrité de la chose. Bref, pas d'accord.
Autre divergence : Ségolène Royal. J'exagère à peine si je dis qu'ils la prennent tous pour une cruche et qu'ils estiment qu'elle incarne l'absence de crédibilité de la gauche. Je l'ai souvent dit ici : Ségolène Royal était à l'origine une réformiste. Son problème, c'est de s'être laissée phagocyter par le programme archaïque du PS, mais dire qu'elle est par exemple incompétente en économie montre surtout qu'on ne l'a pas lue. Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'elle a des côtés péronistes (social-populisme à la sud-américaine) et un culot certain qui ont le don d'agacer, à commencer par ses petites camarades socialistes qui ne la supportent pas. Je suis loin d'être un fan de Ségolène Royal mais il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que c'est une femme intelligente. Je pense en outre qu'elle aurait certainement fait moins d'erreurs économiques que Sarkozy si elle avait remporté l'élection présidentielle. Sa victoire eût alors consacré l'alliance d'un pôle réformiste chez les socialistes avec le centre et les démocrates, puisqu'une telle victoire n'était pas possible sans Bayrou. C'est pour cela que j'ai voté pour elle au second tour contrairement à mes camarades LHC.
On n'est pas non plus d'accord sur l'Islam. Criticus et LOmiG s'obstinent (à mes yeux) à considérer que le texte lui-même est à l'origine des dérives intégristes de l'Islam. Ils rejettent donc en bloc cette religion et tout ce qu'elle représente préférant à une lecture circonstanciée une critique radicale. Ce n'est pas mon raisonnement. Mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire. Ce sont les interprétations et ce qui en est dit qui est important à mes yeux. Ce n'est donc pas l'Islam en tant que tel qui est un problème. Je peux d'ailleurs leur en faire une démonstration assez nette : certains versets du Coran présentent Allah avec des organes. Or, Allah est en principe insubstancié, et cet attribut est même absolument fondateur pour lui. Les théologiens islamiques commandent donc de se garder d'une lecture du Coran à la lettre. Il en va ainsi de tout l'ouvrage, et voilà pourquoi il n'existe aucune interprétation univoque du texte.
En revanche, nous nous sommes à peu près tous accordés pour estimer que l'Iran n'était pas un pays dangereux. Les évolutions de l'Islam là-bas ont paru à tous intéressantes (par exemple, le fait qu'au sein du monde islamique, l'Iran soit le pays où le plus de droits sont reconnus aux femmes...).
Nous nous sommes opposés également sur la Turquie avec des arguments divers : pour certains, la Turquie n'est pas géographiquement dans l'Europe, pour d'autres, elle ne l'est pas culturellement. La vision qui m'a paru la plus radicale est celle de Criticus : il ne s'accorde avec une Europe qu'à la condition qu'elle soit occidentaliste. Et, il n'intègre dans l'occidentalisme que les héritages catholiques et protestants. Exit donc la plus grande partie de l'Europe Orientale, sans parler de la Russie et des pays du Caucase, mais, à la limite, la Grèce aussi (qui est orthodoxe). Pour ma part, je m'inscris résolument en opposition à une telle vision. Je dois donner une précision : l'occidentalisme de Criticus est culturel, mais il ne le rapproche en aucun cas des mouvements d'extrême-droite dont il ne partage absolument aucune valeur. Je vois souvent sur les blogs des confusions à ce sujet. En revanche, revers de la médaille, il est évident que l'extrême-droite tendra certainement à être plus intéressée par l'occidentalisme que le centre, par exemple...
J'en profite pour corriger une erreur souvent lue et entendue : les LHC sont très loin, mais alors très loin d'être sarkozystes. Ils sont avant tout libéraux. Je pense qu'actuellement, LomiG ou Criticus ne soutiennent pas plus Sarkozy que le PS. Je me demande bien d'ailleurs pour qui ils vont voter aux européennes. La logique voudrait qu'ils se dirigent par défaut vers les partis les plus proches de l'ADLE en Europe (dont le MoDem est membre, par exemple). Mais la logique sera-t-elle respectée ? C'est ce que nous verrons dans les prochains mois.
Ce qui m'a tout de même frappé, au sein du réseau LHC, c'est d'abord le culte rendu à l'individu et au contrat (société contractuelle). En ce sens, à mes yeux, les blogs LHC sont davantage individualistes que libéraux. Mais l'individualisme est consubstantiel du libéralisme sans toutefois pour autant le circonscrire. En outre, l'exercice particulier de l'écriture sur un blog renforce ce trait.
Je pourrais continuer à disserter longuement sur cette rencontre, mais il me semble que ce que j'ai écrit n'est déjà pas si mal...