Au début de la téléphone mobile grand public, un téléphone servait à téléphoner, mais aussi à savoir l’heure, à jouer au serpent ou à se réveiller le matin. Avec l’arrivée des premières applications Java, on pouvait imaginer que des gens qui ne se limitaient déjà pas au seul usage téléphonique allaient aller plus loin. Plusieurs années plus tard, où en sommes-nous ? Quels sont les nouveaux usages qui marchent, quels sont ceux qui ont échoué, et pourquoi ? Quelle est la place des différents acteurs ? Comment tout cela va-t-il ou doit-il évoluer ? Autant de questions auxquelles j’espère apporter une réponse dans ces articles sur les usages mobiles.
1. L’e-mail mobile : la première killer application
La première nouvelle fonctionnalité à se voir utiliser massivement fut incontestablement l’e-mail mobile… Mais attention, pas n’importe lequel : l’e-mail mobile par Blackberry. Ce phénomène est en fait plutôt intéressant à étudier. On pourra noter que des clients mails en Java Mobile existaient déjà à l’époque, dont certains gratuits. Ils ne proposaient pas le push-mail, mais offraient tout de même la possibilité de consulter et d’envoyer des e-mails, ce qui, soit dit en passant, n’a rien de compliqué techniquement. Alors pourquoi préférer le Blackberry ? Le push-mail est certes une première réponse, mais il y a autre chose. Le Blackberry était un produit fait pour le mail mobile, au niveau matériel (terminaux adaptés à la lecture et à l’écriture), au niveau logiciel (accès facile aux mails) et au niveau marketing (vendu comme tel et annoncé clairement, alors que la plupart des gens ignoraient qu’ils pouvaient installer des clients mails Java sur leurs téléphones).Cet avantage subsiste d’ailleurs aujourd’hui : quand bien même la plupart des téléphones du marché proposent un client mail, les Blackberrys restent la référence dans le domaine. D’ailleurs, quand bien même beaucoup de téléphones offrent un client mail, peu d’utilisateurs en ont usage. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que leur utilisation entraine un coût, souvent difficile à connaître, et que l’accès n’est pas toujours facile (besoin d’un abonnement particulier, demande de configurer les serveurs manuellement, etc.)
2. Les réseaux sociaux mobiles, l’arlésienne
Depuis quelques années, beaucoup pressentent un avenir radieux au MoSoSo (Mobile Social Software). Effectivement, l’idée de base est intéressante et bien pensée : les sites de réseaux sociaux fonctionnent actuellement extrêmement bien et la dimension mobile permet de les insérer là où les premiers concernés, les gens, sont présents. Le mobile, déjà un instrument social, est l’outil parfait pour intégrer de nouveaux services sociaux.
On trouve de nombreuses applications mobiles de réseaux sociaux : les grand sites internet ont les leur, plusieurs startup en proposent une et ils se retrouvent souvent en tête des concours d’innovation mobile.
Pourtant, les utilisateurs restent peu nombreux. A qui la faute ? Au matériel déjà : pour tirer parti de l’aspect mobile, les MoSoSo ont besoin d’un GPS pour fonctionner. Une autre solution serait de tirer profit de la localisation par les antennes cellulaires, mais elle est à la fois moins précise et peu accessible, principalement en raison des péages mis en place par les opérateurs sur la technologie. Ensuite, les réseaux sociaux ont besoin d’une certaine connectivité, ce qui coûte encore bien cher. Enfin, cela demande d’installer une nouvelle application, en faisant son choix parmi toutes les applications existantes… Au final, le SMS reste bien souvent l’outil social privilégié.
3. L’internet mobile, un chemin difficile
Si l’internet mobile commence à prendre son véritable envol, il lui aura fallu de nombreuses années avant d’en arriver à ce point.
Il y a bientôt 10 ans, le WAP arrivait sur mobile. Ceux qui prirent au sérieux les promesses des opérateurs (« Tout internet dans votre mobile ») déchantèrent très vite : le WAP était lent, complexe d’accès (pas de moteur de recherche, uniquement des portails fermés et pas forcément très accessibles) et coûtait un prix exorbitant, d’autant plus que les contenus étaient peu nombreux et pas forcément adaptés.
L’iMode, quelques années plus tard, semblait avoir corrigé le tir : contenus plus nombreux, plus adaptés et plus accessibles… Mais restait la barrière du prix.
L’arrivée du GPRS/EDGE puis de la 3G, de navigateurs mobiles plus efficaces et les baisses de tarification auraient pu renverser la tendance… Mais elles n’en firent (presque) rien. En effet, plusieurs points n’avaient toujours pas été corrigé : l’absence de contenus adaptés et la complexité d’accès (moi-même je n’ai jamais réussi à trouver ce que je cherchais quand je n’avais pas l’adresse du site mobile qui m’intéressait). De plus, même aujourd’hui, beaucoup de monde reste convaincus que l’internet mobile est cher, quand bien même la plupart des forfaits proposent des tarifs corrects (pour une utilisation légère).
Cependant, avec l’arrivée de l’iPhone et des forfaits web illimités, l’internet mobile a connu un certain regain d’intérêt. En effet, les forfaits illimités réduisent la barrière du coût, le terminal supprime celle du manque de contenus adaptés (de nombreux sites proposant des versions spécifiquement adaptées) ainsi que celle de la difficulté d’utilisation (l’ergonomie associée au passage par le véritable internet et non par le wap et ses portails opérateurs fermés) tandis que la publicité entourant le produit casse les idées reçues que les gens peuvent avoir sur l’internet mobile.
Mais si certaines mentalités et certains usages commencent à changer, il convient malgré tout de garder en vue le fait que la majorité de la population subit encore les mêmes difficultés et ne trouvent toujours pas d’intérêt à l’internet mobile : si une étape importante à été franchie après les déboires initiaux, la route est encore longue.
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Les trois cas présentés précédemment : le mail, les réseaux sociaux mobile et l’internet mobile ont des points communs flagrants. Ils montrent clairement que pour qu’un service mobile rencontre du succès auprès de la population, il doit réunir trois conditions :
Un prix réduit (voire nul, la culture de la gratuité sur Internet se faisant ressentir) et clairement identifié. A noter que l’idéal est que ce prix soit compris dans le forfait ou dans l’achat du terminal.
Une utilisation simple via une bonne ergonomie et un accès facile.
Une sensibilisation à ces deux aspects, sans quoi le service restera inconnu ou assimilé à quelque chose de couteux ou trop difficiles d’accès.
Tout ces points soulèvent diverses interrogations : comment avoir un marché efficace et pérenne autour de produits gratuits ou à faible prix ? Comment proposer une expérience utilisateur correcte sur un terminal de petite taille ? Comment proposer des services évolués sans rebuter l’utilisateur par la complexité et l’aspect technique de la chose ?
C’est ce que je vous propose de voir dans une deuxième partie.