Après avoir dénoncé, dans les premiers, l'Obamania providentielle qui électrisait, alors, les banlieues et enflammait sans retenue les médias, j'avais déjà eu l'occasion, non seulement de mettre en exergue la chronique de Patrick Besson dans le Point, intitulée « Obamarre », mais aussi de souligner le premier couac, surmonté depuis lors, sur les difficultés de Barack Obama à faire voter le plan massif de relance proposé aux députés et sénateurs américains.
Avant de reproduire ci-après l'article de Patrick Sabatier, correspondant du Point aux Etats-Unis, je tiens à préciser que je ne suis pas un opposant sectaire à Barack Obama, plutôt très sympathique et agréable d'allure par ailleurs, sans oublier son volontarisme, mais seulement dénoncer, une fois de plus, les « croyances au miracle » de la foule en général, pour qui, en raison de notre soi-disant libre arbitre, « il suffirait de vouloir pour pouvoir. »
A ceux qui estimeraient que j'exagère, je rappelle seulement ce propos de Jack Lang déclarant sur un plateau télévisé : « Quand un gouvernement veut, il peut » (SIC !), ce qui en dit long sur le niveau intellectuel, et a fortiori philosophique, de nos prétendus grands dirigeants - je souligne que j'attends toujours la réponse de Jack Lang, interpellé sur sa remarque superstitieuse !
J'invite donc les visiteurs de passage à vérifier dans le texte suivant, si le devenir du monde dépend réellement de la libre volonté d'un dirigeant politique, fut-il au niveau suprême, ou bien de la « nécessité », au sens spinoziste du terme, en vertu de quoi TOUT ce qui se produit dans notre monde (phénomènes naturels, évènements historiques, collectifs et individuels) arrive nécessairement, c'est-à-dire inéluctablement, selon l'enchaînement infini de l'infinité des causes et des effets produits par le mouvement universel et incessant de notre monde des choses.
Je fais remarquer aux naïfs que j'ai cité les phénomènes naturels comme relevant de la « nécessité », et non de notre illusoire « libre arbitre », mais les humains du XXIe siècle n'en restent pas moins persuadés qu'ils sont capables de parvenir, à terme, à établir sur la planète un « climat sur mesure » pour l'éternité - et ce, grâce à leur seule libre volonté ! Mais vous avez beau prévenir, argument imparable à l'appui, un président de la République ainsi qu'un ministre chargé de l'Ecologie et du Développement durable, sans oublier le prophète de malheur n°1 et divers médias nationaux, tous restent fermement convaincus que le réchauffement climatique, c'est leur affaire et qu'ils en viendront à bout - à la saint Glinglin, sans aucun doute !
Obama: les premiers couacs
La lettre d'Amérique par Patrick Sabatier
A l'aéroport international de Washington, les voyageurs se font toujours prendre en photo aux côtés d'une silhouette grandeur nature d'un Barack Obama tout sourire et dévalisent
les boutiques de souvenirs et colifichets commémorant son entrée à la Maison-Blanche. Un mois après le 20 janvier, ce jour historique où le premier président de couleur des Etats-Unis a prêté serment devant 2 millions d'Américains réunis sur le Mall, la lune de miel paraît pourtant déjà terminée. Elle tourne même à la lune de fiel dans le microcosme politico-médiatique de Washington. A l'état de grâce a succédé l'état de doute
En France comme ailleurs, on a applaudi aux premières initiatives à forte valeur symbolique ajoutée de celui qui se veut l'anti-Bush, de la promesse de fermer la prison de Guantanamo à celle de reprendre les négociations post-Kyoto sur le climat. Mais, dans la capitale, Maureen Dowd, la Cruella des éditorialistes américains, qui donne le ton dans les colonnes du New York Times, remarque qu'«il n'a pas fallu attendre bien longtemps» pour qu'Obamaman, ce super-héros dont l'Amérique espère qu'il la sauvera de la crise, soit victime de la force d'attraction de la planète maléfique sur laquelle il a débarqué le 20 janvier.
Obama avait juré de «changer Washington». Un petit mois a suffi pour que Washington le
change. Le 44e président des Etats-Unis continue certes de jouir de sondages stratosphériques (de 65% à 70 % d'opinions favorables).Et il vient de remporter sa première grande victoire politique en faisant voter par le Congrès le plan de relance économique de 789 milliards de dollars pour le President's Day, le r6 février.
Cette victoire a eu un prix, néanmoins. Il n'est pas parvenu à empêcher ses alliés, les parlementaires démocrates, qui détiennent la majorité au Congrès, de transformer ce plan enune sorte de caverne d'Ali Baba, vaste fourre-tout dans lequel chacun d'eux entend puiser de quoi s'assurer les faveurs des électeurs. Il a également échoué dans son offensive de charmeen direction de ses adversaires républicains. Seuls trois sénateurs républicains modérés lui ont apporté leurs voix cruciales, au prix de baisses d'impôts dont le président ne voulait pas.
La gauche lui reproche d'avoir trop cédé aux conservateurs. Les économistes affichent leur scepticisme sur l'efficacité d'un plan qu'on juge à droite dispendieux et sans vision, à gauchepas assez audacieux ni ambitieux. D'autant que le plan de sauvetage des banques, présenté dans la foulée par le nouveau secrétaire au Trésor, Tim Geithner, jugé flou et improvisé, aété mal reçu. En un mois, l'euphorie a cédé le pas à l'inquiétude et au doute sur les capacités de la nouvelle administration à juguler la crise. La mise en place de la nouvelle équipe a étésérieusement déstabilisée par le désistement de plusieurs de ceux qu'Obama avait choisis pour diriger le pays. Certains étaient en délicatesse avec le fisc. Un autre, le sénateur républicain Judd Gregg (pressenti comme secrétaire au Commerce) a fait savoir qu'il était en désaccord total avec le plan de relance. Au sans-faute de la campagne électorale à succédé une série de couacs du plus mauvais effet en ces temps de crise. «Il marchait sur l'eau, à présent, il a touché terre », résume un de ses proches.
Pour apporter le « changement crédible » promis, le jeune ex-sénateur frais émoulu de Chicago n'a eu en fait d'autre choix que de composer avec le personnel politique et les règles de. jeu du pouvoir dont Washington est l'arène et la matrice. Il a privilégié l'expérience et la compétence des power players, ces gens de pouvoir dont la qualité première est d'être rompus aux arcanes d'une capitale où politique et argent entretiennent des relations ambiguës. Et il se heurte aux pesanteurs d'un système démocratique davantage conçu pour brider lesinitiatives, ralentir les changements et équilibrer les pouvoirs jusqu'à la paralysie que pour favoriser la réforme. La contradiction était inévitable entre la rhétorique vertueuse etvolontariste de sa campagne électorale et le pragmatisme sans états d'âme de sa gestion politique.
Fin politique, Obama est rapidement sorti de Washington, repartant en campagne à travers le pays. «Le seul critère de mon succès dans cinq ou neuf ans sera de savoir si je suis parvenu ou pas à relancer cette économie », a-t-il expliqué. S'il arrive à enrayer la crise, les cafouillages de début de mandat ne vaudront pas une notule de ses biographes. S'il échoue, avoir tourné la page Bush et avoir été le premier président« postracial» ne suffira pas àlui assurer un second mandat.
Mais un de ses proches "admet en privé que« la gravité et la nouveauté de cette crise sont telles que personne ne sait en réalité comment s'y prendre». Obama avoue lui-même que sa seule certitude, «c'est qu'il faut agir, et agir vite ». Lui et son équipe pilotent à vue et parent au plus pressé. A la Maison-Blanche, l'«audace d'espérer», titre de livre et slogan de campagne, a été remplacée par la crainte d'échouer.
15 mars 2009 Le Point n°1903
[La police utilisée par erreur pour reproduire l'article du
Point est indépendante de ma volonté]