Tes Roses
2009
Photo : rose Shinsetsu, auteur « Kuriaya », Wikimedia Commons, domaine public.
Mots qui dépassent la pensée, disputes cinglantes, affrontements et porte qui claque rageusement sur ta silhouette qui s'enfuit.
Larmes et regrets de ne pas nous avoir laissé une chance de poursuivre le chemin ensemble.
Tout est déjà dit, consigné et réglé.
J'ouvre le tiroir de mon cœur et j'y enferme les éclats me rappelant que je t'ai aimé.
Ivresse des caresses, des regards, des souffles, des baisers, des matins câlins et des nuits coquines, tout est raturé, lacéré et balayé dans le lointain.
Amis puis amants « aimant » et enfin ennemis ...
Ainsi soit-il puisque tout est fini !
Après la sidération et la tristesse de notre séparation, un espoir insupportable me saisit...je prie juste pour un appel, une rencontre hasardeuse, se croiser, entremêler nos regards, nos mains et nos corps une nouvelle fois... pourquoi pas ?
Mais bon dieu, appelle-moi !
Un orgueil insensé me retient de faire le premier pas, alors c'est à toi de jouer, vas-y, lance les dés...
Et ton appel, enfin :
« J'arrive, je suis en bas ».
J'ouvre la porte, tu es là, tes mains dissimulent quelque chose dans ton dos.
Tu veux bien entrer, un instant, juste pour parler, paisiblement et amicalement.
Les yeux baissés, les lèvres tremblantes, tu me tends alors un bouquet de roses.
Tu les as choisies « souriantes », c'est-à-dire légèrement ouvertes plutôt qu'en bouton serré.
Tu voulais que je profite tout de suite de leur beauté.
Charmante attention, je t'en remercie.
Viens ici, approche-toi sans crainte, que nous discutions en ami ...
Mais tes roses se fanent sur la table, privées d'eau, abandonnées dans leur linceul transparent avec ces quelques mots : « Plaisir d'offrir », en guise d'épitaphe.
Triste destin pour les pauvrettes, premières victimes collatérales du nouvel acte de notre opéra.
Tu souris en les découvrant quelques jours plus tard, âmes angéliques défuntes, sacrifiées sur l'autel de notre amour assassin.
Je souris avant de pousser un cri de douleur, je crois que j'ai approché imprudemment tes épines passionnelles.
Je le sais, je le sens : un bouton de rose se forme au plus profond de moi, il tisse ses pétales, la sève bouillonne en lui, il s'ancre de toute ses forces à son écrin nourricier.
Alors, mon tendre ami, viens donc poser tes mains en corolle sur la roseraie de mon ventre et composons ensemble notre épithalame...
... puisque tu es à l'aube de goûter à la joie d'être père...
Mon bien cher ami...
T.D.R.