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Où sont passés les Lippi ?

Publié le 31 mars 2009 par Marc Lenot

Vous allez au Musée du Luxembourg, alléché par la perspective de voir des toiles du père (Filippo) et du fils (Filippino, fils adultérin, fruit des amours de son père, moine paillard, avec la très belle novice Lucrezia Buti, de 32 ans sa cadette), des tableaux jamais montrés hors d’Italie, vous dit la presse. Or, il n’y a dans ces salles exiguës, en tout et pour tout, que trois toiles de Filippino, dont une de jeunesse, médiocre, cosignée par l’assistant principal de son père, Fra Diamante, et le Retable de l’Audience, certes jamais montré hors de Prato à ce jour, mais bien lourd et rigide : on a mieux au Louvre. Quant à Filippo, seulement 9 tableaux de lui, dont quatre compositions cosignées avec le même assistant, Fra Diamante.

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Si l’exposition (jusqu’au 2 août) s’était intitulée le Quattrocento à Prato, on se sentirait moins trompé. C’est, de plus, une exposition pour érudits plus que pour amateurs, à mes yeux; ceci dit, je laisse à plus expert que moi le soin de l’analyser et la décrire en détail, et je me contenterai de vous montrer deux toiles de Filippo Lippi.

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Celle-ci s’intitule Imago pietatis entre Saint Jérôme et saint Albert de Vercelli. Ce qui frappe ici, c’est l’irréalité du corps du Christ entre ces deux corps bien réels des saints. Ce n’est plus un corps de chair et de sang, ce n’est plus qu’une image, grise, contournée, immatérielle. Le linceul et son capuchon lui font une carapace, l’isolent du fond, du monde. La tension de cette toile, entre couleur et grisaille, entre corps et image, semble traduire la double nature du Christ, sa mort et sa résurrection. Il faut regarder aussi les motifs du tombeau (en haut), composition abstraite à la Sam Francis, faite peut-être pour reposer l’oeil, pour purifier le regard, comme les panneaux en bas des fresques de Fra Angelico au couvent San Marco à Florence.

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Alors que, d’ordinaire, l’enfant Jésus est représenté aimable et gigotant dès son plus jeune âge, celui de cette Vierge à l’enfant emmailloté est un vrai marmot, serré dans ses langes comme tout enfant respectable du XVème siècle. Il ne peut pas bouger, ses bras sont invisibles sous le tissu qui l’enserre, la représentation est bien réaliste, faisant pendant à la précédente. Seul élément vivant de ce corps larvaire, les doigts de pied dans des bouts de tissu coloré dont on ne sait trop la fonction
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. Le voile de sa mère devant la conque botticellienne est si beau, si diaphane, si aérien, aux antipodes de la lourdeur du lange. On peut penser que le modèle fut la belle nonnette Lucrezia tenant le petit Filippino. 


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