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<"""""""">Fellag et la colonisation
Quelques extraits de son spectacle Djurdjurassique Bled :
« Ce soir je vais vous dire la
vérité crue et nette, eh bien tout ça n'a commencé ni en 1991, 88, 62 ou 1926, ça
a toujours été comme ça !!! Depuis la nuit des temps ! Parce que nous sommes un
peuple trop nerveux ! On n'arrive à rien faire sur la longueur. Soit on se
contente de rien, soit on veut tout, tout de suite ! »
« Et petit à petit, au fond des
océans, des marécages, et des rivières, de petites larves microscopiques sont nées,
elles étaient toutes destinées à devenir quelques millions d'années plus tard le
règne animal, végétal et humain. Toutes ces petites larves-là, elles étaient
tranquilles, elles attendaient l'évolution, elles attendaient Darwin ! Mais les
larves qui étaient programmées pour devenir nos ancêtres les Berbères, déjà là en
tant que larves, elles étaient là : la, la laaa ! [gestes d'énervement,
d'impatience et d'excitation] ... [une larve à sa voisine :] Allez, dégage-toi,
soit maudite ! Je vais rester trois
milliards d'années pour devenir un Berbère, moi ?!!! Moi je veux [ça] tout de
suite, moi ! Inna dine Darwin ! [Que Darwin soit maudit !]
« Il y a cinq ou six milles ans, la
civilisation moderne est née dans le bassin méditerranéen, la civilisation
s'est installée partout sur le bassin méditerranéen [geste mimant la succession]
et dés qu'elle est arrivée chez nous, Ahhhh ! [interjection algérienne pour
faire peur] elle a sauté la civilisation !
Il y avait la civilisation
assyrienne, la Mésopotamie, Babylone, Nabuchodonosor, l'écriture cunéiforme,
la civilisation égyptienne, les Pharaons, les pyramides, les hiéroglyphes,
l'architecture, la sculpture. Les Grecs,
ils ont inventé les mathématiques, l'astronomie, la philosophie, le théâtre, la poésie, la démocratie, et chez nous, walouuuu ! [rien de rien !] . D'ailleurs,
nos ancêtres, ils allaient se mettre sur la frontière berbéro-égyptienne, et
ils disaient aux Pharaons : Ballak a dine yemak ! [Fais attention, que ta mère
soit maudite !] Attention, votre civilisation [si] elle rentrait chez nous ! On
est, Newkni [nous], on est allergique nekwni [nous]. Les pyramides, ça nous
rend nerveux hnaya [nous]. S'il y a un mètre de pyramide qui rentre chez nous,
qui passe la frontière, on vous coule ! »
« Le parlement grec, un jour, s'est réuni,
ils avaient lu le rapport sur le peuple berbère, un rapport qui avait été fait
par différents explorateurs grecs, comme Hérodote et bien d'autres, qui sont
allés étudier tous les peuples de la Méditerranée, quand le parlement grec a lu
ce rapport sur le peuple berbère nerveux et belliqueux, ils ont décidé une
chose, ils sont allés voir Hercule, ils lui ont dit : "écoute, tu as déjà fait
trop de travaux comme ça, tu te fatigues pour rien du tout, tu as mieux à faire..."
Ils l'ont emmené au étroit de Gibraltar, ils l'ont placé au milieu [Fellag écarte
ses bras et ses jambes, signes d'effort sur le visage], pour empêcher en cas de
dérive des continents l'Afrique du Nord de toucher l'Europe. »
Pour ceux qui connaissent la littérature historiographique coloniale, qui revient longuement sur l'inaptitude du Berbère (ou du Maghrébin) à la civilisation, sur son tempérament rebelle et anarchique, sur son immuabilité historique, sur son caractère permanent et inchangeable, sur la séparation indépassable entre l'Orient arriéré et l'Occident développé, etc. pour tous ceux qui connaissent ces textes-là, Fellag éveille en eux des échos lointains et désagréables...
Naravas