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La crise, les gangsters et les pauvres petits couillons du front

Publié le 31 mars 2009 par Lozsoc

La crise, les gangsters et les pauvres petits couillons du frontLa crise mondiale ne révèle pas uniquement les aberrations du système de production actuel et les dérives du système financier international. Elle souligne aussi l’inquiétant creusement des inégalités de revenus au cours des trente dernières décennies dans les pays développés à économie de marché et singulièrement en France.

Les plans sociaux et les fermetures d’entreprises accompagnés de délocalisations vers des pays dont la main d’œuvre est à moindre coût, sont censés montrer que les salariés Français sont moins «compétitifs» que leurs homologues étrangers alors que leur taux de productivité est pourtant l’un des plus importants au monde ainsi que l’ont montré, à maintes reprises, les statistiques publiées par l’OCDE (organisation internationale qui, pourtant, n’est pas réputée pour être d’obédience gauchiste) et par l’INSEE.

Or, dans le même temps, on constate que le discours qui consiste à culpabiliser les salariés Français au sujet de leurs rémunérations jugées trop élevées, et donc handicapantes pour la compétitivité du pays, se fait beaucoup plus conciliant à l’endroit des dirigeants des sociétés françaises du CAC 40 qui gagnent en moyenne 310 fois le SMIC. Il ne s’agit pas ici de tomber dans le maximalisme anti-patronal (car des patrons, il en faut), mais de pointer du doigt ces insupportables écarts de revenus dont l’actualité quotidienne se fait l’écho.

Dans son éditorial pour son émission « Du Grain à Moudre », le journaliste de France Culture, Brice Couturier, a posé deux questions excellentes auxquelles on aimerait bien que le gouvernement réponde sans langue de bois :

« Comment, dans tous les domaines, de faibles écarts de performance individuelle se sont mis à engendrer des écarts de revenus aussi extravagants ? L’utilité sociale d’un patron moyen du CAC 40 est-elle cent fois plus précieuse que celle d’un patron moyen de PME ? »

Et l’on pourrait bien sûr ajouter à ces questions l’utilité sociale du salarié.

En effet, quelle a été au juste la performance économique de Daniel Bouton, PDG sortant de la Société Générale, qui justifierait aujourd’hui le fait qu’il touche une très confortable retraite d’un million d’euros par an ? Et pendant ce temps, Sarkozy et sa clique démantèlent les régimes spéciaux durement acquis par les salariés, dénoncent les pseudos privilégiés, prennent prétexte du trou de la sécurité sociale pour dérembourser de plus en plus de médicaments, ou fustigent encore l’esprit d’assistanat pour mieux remettre en cause les minimas sociaux (cette liste est bien entendu non exhaustive).

Plus généralement, pourquoi des erreurs stratégiques majeures confèreraient-elles des droits extravagants – sous forme de stocks options ou d’autres parachutes dorés – à ceux qui les ont commises alors que, dans une situation similaire, un employé se ferait licencier pour faute grave ?

Pourquoi appelle-t-on souvent les plus modestes au sens des responsabilités alors que l’irresponsabilité a en quelque sorte force de loi chez les plus aisés ?

Pourquoi exhorte-t-on les Français à garder confiance dans le système financier, alors que, dans le même temps, des dirigeants de banques renflouées par des fonds publics, trouvent encore le moyen de se voter des suppléments indécents de rémunération ?

Pourquoi essaie-t-on de faire croire à une revalorisation du chômage partiel alors que des branches d’activités entières refusent de se conformer à la volonté affichée par les pouvoirs publics (cf. par exemple le Conseil supérieur du notariat qui a refusé dernièrement tout accord avec les syndicats d’employés et de cadres alors que le secteur a abondamment profité de l’envolée de l’immobilier pendant des années) ?

Mais où est donc cette fameuse rémunération au mérite dont Nicolas Sarkozy s’est fait le chantre jusqu’à la nausée ?

La crise, les gangsters et les pauvres petits couillons du front

Travailler plus pour gagner plus, claironnait-il. Comment ne pas s’en souvenir? Or, que reste-t-il aujourd’hui de ce slogan ? Non seulement les Français savent généralement qu’ils travaillent plus pour gagner moins, mais ils comprennent désormais que de plus en plus d’entre eux risquent de ne plus travailler du tout!

Souvenons-nous de la maxime pontifiante de Balladur, en 1993-1995, du temps où il sévissait en tant que Premier ministre : «Il faut faire des sacrifices», disait-il d’un ton dont on ne savait pas s’il était condescendant ou simplement blasé. Des sacrifices ont été alors consentis durant ces quinze dernières années dans l’attente d’une embellie, mais par la piétaille, par le tout venant, et non par ceux qui prodiguent volontiers dans la presse économique, les dîners mondains, et dans les cénacles du pouvoir politique et économique, leurs conseils, leurs diagnostics ou encore leurs solutions pour sortir d’une crise mondiale qu’ils n’ont pas su anticiper et dont ils ne paient pas les frais.

Au cours de ces dernières années, ces « spécialistes » de la chose économique ont souvent incité les Français à prendre des risques, mais on constate souvent qu’ils n’en ont pris aucun pour eux-mêmes. C’est même tout le contraire. Et l’aberration ne s’arrête pas là. En effet, pour éviter qu’ils placent leur fric à l’étranger et fraudent l’impôt, le sarkozisme déliquescent leur a même taillé un bouclier fiscal sur mesure. Ainsi, ces chères éminences grises, ces « créateurs de richesses », comme l’UMP les appellent, pourront continuer à arborer la légion d’honneur à leurs boutonnières tout en pérorant sur le « patriotisme d’entreprises ».

Les Français sont donc en train de prendre conscience de ce gangstérisme qui agit selon la vieille maxime du milieu mafieux américain : « Take the Money and Run » (prends le pognon et tire-toi).

La crise, les gangsters et les pauvres petits couillons du front

C’est à peu de choses près le même phénomène que Bernard Maris et Philippe Labarde décrivaient, en 1998, dans leur livre « Ah Dieu que la guerre économique est jolie ! ». Ces auteurs n’utilisaient pas l’image des gangsters, mais celle des planqués de l’arrière, de ces patriotards de 14-18 qui se répandaient en propos belliqueux tout en faisant du fric sur le malheur des autres, pendant que les pauvres petits couillons du front (ouvriers, salariés, paysans, fonctionnaires, commerçants, étudiants, etc.) se faisaient trouer la peau par des balles tirées par d’autres pauvres petits couillons.


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