Et oui (soupir) le nucléaire franco-iranien existe.
Il existe au travers de la société Sofidif (Société franco-iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse).
Pour information l’Iran enrichit son uranium selon la méthode des Zippe-type centrifugeuses et non par diffusion gazeuse.
L’ingénieur Abdul Kadeer Khan a diffusé cette technologie russe à l’origine du Pakistan, à la Corée du Nord, à la Lybie et à l’Iran.
Les centrifugeuses iraniennes sont installées en cascade de 164 pièces c'est-à-dire en série dans un premier temps puis les séries en parallèle afin d’enrichir de plus en plus l’uranium.
Donc, à ce jour, une société franco-iranienne participe à la production française d’enrichissement d’uranium de la centrale Georges Besse (anciennement Tricastin-Pierrelatte) dans la Drôme. Cette centrale est gérée par le consortium Eurodif (filiale d’Areva, 59,66% du capital) détenu par la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne et à 25% par la société Sofidif donnant ainsi une part de 10% d’Eurodif à l’Iran.
L’un des administrateurs de Sofidif étant Seyed Mohammad Ali Hosseini, lequel est porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères tout en étant ambassadeur d'Iran en Arabie Saoudite.
Eurodif produit à ce jour 25% de la consommation mondiale d’uranium enrichi en exploitant 90 réacteurs à eau pressurisée.
Prenons l’histoire à son début : Eurodif a été crée en 1973 entre cinq pays : la France, l’Italie, l’Espagne, l’Italie et la Suède. En 1975 la Suède vend ses parts d’Eurodif à une société, la Sofidif gérée alors par la Cogéma (gouvernement français) et le gouvernement iranien. Sofidif, aujourd’hui propriété d’Areva/Iran, acquiert alors 25% d’Eurodif dont 10% appartiennent à l’Iran ce qui est toujours le cas.
En contre partie, le Shah prête un milliard de dollars à la France pour la construction de Tricastin Pierrelatte, l’accord prévoit aussi que l’Iran pourra acheter 10% de la production d’uranium de la centrale. L’Iran prête de nouveau 180 millions de dollars en 1977.
En 1979 l’usine Eurodif est inaugurée par Raymond Barre pendant que Khomeiny prend le pouvoir en Iran. L’ayatollah rend caduque un contrat passé avec la France concernant la fourniture de centrales nucléaires mais maintient la participation de l’Iran dans la société Eurodif. La France refusera à l’Iran l’exercice du statut d’actionnaire d’Eurodif.
En 1981, l’Iran réclame à la France les 10% de la production d’uranium, comme prévu contractuellement sous le régime du Shah, nouveau refus. Alors, commence la série d’attentats et de prises d’otages organisés par les services iraniens contre la France, ses personnes et ses biens.
Pour mémoire, concernant les attentats :
- 7 déc. 1985 : Deux explosions se produisent successivement au rayon vaisselle du sous-sol des Galeries Lafayette et au rayon parfumerie du rez-de-chaussée du
Printemps Haussmann, faisant au total 43 blessés. L'enquête démontre la responsabilité du Hezbollah.
- 3 fév. 1986 : Une explosion au rez-de-chaussée de la galerie du Claridge, avenue des Champs-Elysées, également attribuée au Hezbollah, fait un mort et huit blessés.
- 4 fév. 1986 : Une explosion suivie d'un incendie au sous-sol de la librairie Gibert-Jeune, place Saint-Michel, blesse cinq personnes. L'acte s'inscrit également dans la liste des attentats
commis par le Hezbollah en France entre décembre 1985 et septembre 1986.
- 5 fév. 1986 : Une explosion au magasin Fnac-Sport du Forum des Halles fait 22 blessés.
- 20 mars 1986 : Un attentat par explosif dans la galerie Point Show, avenue des Champs-Elysées, fait deux morts et 29 blessés. Ce jour-là, Jacques Chirac prenait ses fonctions de premier
ministre de la première cohabitation.
- 12 sept. 1986 : Une explosion dans la cafétéria du magasin Casino au centre commercial Les Quatre Temps à la Défense blesse 54 personnes.
- 17 sept. 1986 : L'explosion d'une bombe devant le magasin Tati, rue de Rennes, fait un carnage: 7 morts et 55 blessés.
Ces attentats étaient perpétrés par trois équipes du Hezbollah soutenu par l’Iran, les deux équipes du réseau logistique, celle de Hamade et celle de Fouad Saleh puis l’équipe opérationnelle dirigée par Mazbou puis par Haïdar, ces artificiers ne venaient que pour les attentats et rentraient ensuite au Liban. Voici le premier type de réponse de la théocratie au refus français.
Vint le dramatique épisode du 17 novembre 1986, soit l’assassinat de Georges Besse –hommage lui soit rendu-, patron d’Eurodif.
George Besse fut lâchement assassiné devant le seuil de son immeuble le 17 novembre au soir, un crime revendiqué par Action Directe. Il ne fait pas de doute que le commando d’Action Directe était sur place, mais il ne fait pas de doute non plus qu’Action Directe avait des liens avec le terrorisme rouge européen et avec le terrorisme libanais. L’assassinat de George Besse était une commande des services iraniens. La défense paranoïaque des criminels lors de leur procès, orientée sur la dialectique anti capitaliste n’était qu’esbroufe, George Besse n’est pas mort en tant que PDG « capitaliste » de Renault, mais comme patron d’Eurodif hostile à toute négociation avec l’Iran.
Comment ne pas penser d’ailleurs à l’assassinat du Général René Audran le 25 janvier 1985 par le même commando en sachant que le Général Audran était responsable des affaires internationales au Ministère de la Défense.
L’affaire des otages : le Hezbollah prend en otages le 22 mars 1985 Marcel Carton et Marcel Fontaine, deux diplomates, puis deux mois plus tard le journaliste Jean-Paul Kaufmann et le chercheur Michel Seurat (mort en captivité en mars 1986), puis les journalistes Philippe Rochot, Georges Hanse, Aurel Cornéa et Jean-Louis Normandin et enfin Roger Auque, aussi Camille Sontag et Marcel Coudari ainsi que les passagers du bateau le Silco dont la française Jacqueline Valente et ses filles.
Ces prises d’otages sont l’œuvre du Hezbollah, avec en arrière-plan soit direct, soit indirect l’Iran, toujours est-il que les négociations pour leur libération furent conduites avec l’Iran.
Un odieux marchandage s’installe alors, l’Iran ne promet à aucun moment de faire cesser attentats et prises d’otages mais pose quatre conditions pour intercéder en leur faveur :
- Le remboursement du prêt accordé par le Shah,
- L’arrêt de livraison d’armes à l’Irak et la livraison d’armes et d’uranium à l’Iran,
- L’éviction du territoire français des Moudjahidine du Peuple,
- Et après coup la libération du terroriste Anis Naccache détenu en France.
La France remboursa donc à l’Iran 330 millions de dollars le 17 novembre 1986 mais refuse de fournir de l’uranium, Georges Besse sera assassiné le soir même. Puis encore remboursera 330 millions en décembre 1987.
La livraison d’uranium à l’Iran est inacceptable, la livraison d’arme officiellement non plus, cependant la société Luchaire livre illégalement 450 000 obus à l’Iran, ce qui deviendra « l’affaire Luchaire ».
Charles Pasqua expulse ensuite les Moudjahidine du Peuple vers l’Irak (décembre 1987).
Enfin, Naccache et quatre autres terroristes iraniens seront libérés et expulsés en juillet 1989.
L’absence de livraison d’uranium enrichi explique peut-être l’attentat du DC610 d’UTA au dessus du Ténéré le 19 septembre 1989 (172 victimes).La veille de l’attentat, une lettre publiée par le journal libanais As Shira accuse le gouvernement de Jacques Chirac, et désigne nommément Charles Pasqua pour n’avoir pas tenu des engagements pris à l’égard de l’Iran. Elle enjoint le gouvernement socialiste de "corriger les erreurs de ses prédécesseurs dans l’intérêt de tout le monde". Nous savons que les lettres de menace de ces gens-là représentent le signal du passage à l’acte des terroristes.
Les otages seront libérés et un accord franco-iranien est signé en juillet 1991, il stipule que la France remboursera au total 1,6 milliards de dollars à l’Iran, que l’Iran est rétabli pleinement dans son statut d’actionnaire d’Eurodif avec le droit de prélever 10% de l’uranium enrichi à des fins civiles. Le terrorisme a gagné.
De sources diplomatiques, l’uranium enrichi ne fut jamais livré, l’Iran ne développant pas un nucléaire civil mais militaire.
Pour conclure sur une note d’espoir, précisons que Eurodif (nommé Georges Besse maintenant) cessera toute activité en 2013 et que la nouvelle centrale Georges Besse II appartiendra alors à 100% à Areva, enfin souhaitons-le ou tout au moins que des pays voyous n’en soient pas actionnaires.
G. Faure