Premier disque en quatre ans pour Daniel Dumille, Born Like This sort au moment où les plus folles rumeurs se répandent sur son auteur. Accusé d’envoyer d’autres types performer à sa place en playback, MF Doom subit également l’ire de ses fans concernant son hypothétique collaboration en long-format avec Ghostface Killah du Wu Tang, que l’on attend toujours. Bel et bien de retour, l’homme souhaite désormais se faire nommer DOOM, tout court et en capitales. Auteur d’environ 25 albums (instrumentaux inclus), que ce soit en solo ou avec Madlib (au sein de Madvillain), Danger Mouse (Dangerdoom) ou son premier groupe, KMD, cet héritier du Doctor Doom des Comics Marvel, quoi qu’on en dise, incarne un rap intègre et sans fioritures, alternative salutaire aux gerbants 50 Cent et Eminem. On attendait donc beaucoup de ce nouveau méfait du super-vilain masqué.
Un premier survol de l’album suffit pourtant à constater que DOOM se repose sur ses acquis. La plupart des titres sonnent exactement comme ses productions du début des années 2000. Seule concession à la modernité, vraisemblablement teintée d’ironie : l’utilisation un peu foireuse de l’autotune sur “Supervillainz”. Le reste est de facture extrêmement classique. On ne s’en plaint pas lorsque cet académisme donne naissance à des bombes comme “That’s That”, avec son sample de violon et son couplet final euphorique, “Angelz” (feat. Ghostface) ou “Ballskin” (produite par Jake One), avec son orgue et ses guitares soul. Valent également le détour “Gazzillion Ear”, qui singe gentiment le thème de Midnight Express, et “Lightworks”, toutes deux construites sur des beats de feu Jay Dilla.
Un peu plus expérimentale, “Cellz” s’ouvre sur un texte pamphlétaire de Charles Bukowski - dont DOOM avait déjà utilisé la voix sur “One Beer” en 2004. Le vengeur masqué ne fait irruption qu’à la deuxième minute pour un couplet dense déclamé sur un instrumental guerrier aux accents de fin du monde. La pertinence de l’utilisation du virulent poème du divin alcoolo contraste fortement avec le texte nauséabond de l’homophobe “Batty Boys”, absolument navrant et incompréhensible de la part d’un rappeur que l’on croyait un peu plus futé que la moyenne. A moins qu’il s’agisse là d’un énième degré que je ne suis pas à même de saisir, ou de la projection des pensées de son double négatif, comme certains fans le prétendent... Quoi qu’il en soit, Born Like This ne comporte rien de comparable aux sommets que furent “Figaro”, “Accordion”, ou l’un ou l’autre des titres de MM.. Food (2004) et The Mouse and the Mask (2005).
Même s’ils ne sont pas fondamentalement mauvais, le très old-school “Yessir !” (feat. Raekwon) ou l’apparition de la jeune rappeuse Empress Sharhh sur “Still Dope” étaient loin d’être indispensables. Notons également que la quasi-absence des innombrables interludes et samples cinématographiques que le New Yorkais affectionne habituellement nous prive du côté narratif et foisonnant qui séduisait tant sur ses précédents efforts. Pire, la multiplication des allitérations et jeux syllabiques - l’une des caractéristiques de son style, semble parfois tourner à vide et cacher un certain défaut d’inspiration. Reste la voix, rauque et tranchante, comme échappée d’un obscur soupirail laissant entrevoir les sordides bas-fonds de la mégapole. Rien que pour ce timbre vocal unique, DOOM reste l’un des grands MC de notre époque, et les nombreuses faiblesses de ce nouvel album ne changent rien à cet état de fait.
A noter : la version numérique de l’album comprend un remix de “Gazzillion Ear” par Thom Yorke !
En bref : Pour la première fois, DOOM donne l’impression de se répéter et de ne plus avoir grand chose de neuf à nous offrir. Quelques excellents morceaux (“Cellz”, “That’s That”...) émaillent cependant cet album de qualité moyenne, qui constitue l’une des premières grosses déceptions de l’année.
DOOM - That’s That.mp3
DOOM - Gazzillion Ear.mp3
Pour mémoire, les clips de “All Caps et “Accordion”, extraits de Madvillainy :
Sa page Myspace
Le site de Lex Records