The virgin suicides est le premier roman de Jeffrey Eugenides, auteur américain d'origine grecque. Adapté
avec succès au cinéma par Sofia Copola, porté par une bande originale inoubliable composée par le groupe
français AIR, il se dégage de ce roman une atmosphère unique de sensualité adolescente. Lux et ses soeurs, ne s'épanouissent pas dans l'espace confiné de la maison familiale, étouffées par trop
de protection parentale. Objet de fascination pour les ados du coin, leur suicide collectif les transforment en objet de culte. Pourquoi un acte si extrême? L'auteur ne s'attache pas à
l'expliquer, il laisse ses protagonistes tenter de comprendre ce que vivaient les soeurs Lisbon. A l'image de la première tentative de suicide de la plus jeune des filles, Cécilia, lorsque le
docteur qui la soigne lui déclare : "qu'est ce que tu fais là, ma petite? Tu n'a même pas l'âge de savoir à quel point la vie peut devenir moche". Ce à quoi elle répond : "on voit
bien docteur, que vous n'avez jamais été une fille de treize ans". L'adolescence avec ses ressentis et ses sentiments exacerbés est un moment de la vie où la contrariété peut se muer en
désespoir, où l'attirance pour le vide et le calme se transforme en acte de mort. "là où les pièces manquantes manqueront à jamais".
Dix ans après, Eugenides nous offre encore une fois un bonheur littéraire, au travers d'une nouvelle lolita : elle s'appelle
Calliope et, à quinze, ans elle découvre qu'elle est aussi un garçon... Dans Middlesex, la quête d'identité de l'héroïne qui passe par la découverte de son sexe se mêle à l'histoire de
sa propre famille, immigrés grecs. Cette saga déploie un demi siècle d'Histoire, mi-épopée, mi-roman d'apprentissage. "Un teenager qui devient une personnage mythologique".
Couronné par le prix Pulitzer en 2003, ce roman passionnant et épique, homérique et hermaphrodite est un petit bijou d'écriture : Jeffrey Eugenides y déploie le même lyrisme et la même férocité
que pour retracer l'histoire de ses vierges suicidées, sauf qu'ici, la vierge survit à l'adolescence, envers et contre tout. C'est dans le passé de sa famille qu'elle trouvera les pièces
manquantes et en elle-même la force de s'assumer et de vivre. Contrairement aux filles Lisbon qui elles, ont choisi d'avoir la force de renoncer à une vie qui ne leur convient pas, qui ont quitté
la bataille avant qu'elle ne commence, laissant dans leur sillage de quoi construire leur mythologie... Cal, lui/elle, préfère être l'archictecte de son propre mythe, façonnant son destin afin de
définir ce qu'il ou elle est en fin de compte, et prendre sa juste place dans ce monde.
Virgin Suicides, J'ai lu, 2000, 222 pages
Middlesex, Points Poche, Seuil, 2004, 658 pages