Un officier mauritanien a participé à des actes de torture dans son pays mais ces faits furent amnistiés par une loi de cet Etat. Alors qu’il se trouvait sur le sol français, il fut néanmoins arrêté et poursuivi, notamment sur le fondement de la Convention des Nations-Unies contre la torture du 10 décembre 1984 et de l’article 689-1 du Code de procédure pénale (relatif à procédure dite de “compétence universelle”). L’officier, condamné par contumace après avoir fui la France, conteste l’application de la loi française à son égard et allègue d’une violation de l’article 7 (Pas de peine sans loi).
Ould Dah c. France (Cour EDH, 5e sect. décision sur la recevabilité, 17 mars 2009, req. n° 13113/03)
Actualité Droits-libertés du 30 mars 2009 par Nicolas Hervieu
Pour établir si la France pouvait écarter la loi mauritanienne et juger pour torture le requérant présent sur son territoire sans violer ledit article, la Cour relève tout d’abord que « l’interdiction de la torture occupe une place primordiale dans tous les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme [et] a valeur de norme impérative, c’est-à-dire de jus cogens ». Puis, à la lueur de ce constat, la Cour fait œuvre de légitimation de la compétence universelle en constant que « l’impérieuse nécessité de l’interdiction de la torture et de la poursuite éventuelle des personnes qui enfreignent cette règle universelle, ainsi que l’exercice par un Etat signataire de la compétence universelle prévue par la Convention contre la torture, seraient vidés de leur substance s’il fallait retenir seulement la compétence juridictionnelle de cet Etat, sans pour autant admettre l’applicabilité de la législation pertinente dudit Etat ». Par ailleurs, il est relevé que la loi d’amnistie mauritanienne ne s’insère dans « aucun processus de réconciliation » mais est au contraire « susceptible d’être qualifiée d’abusive au regard du droit international » car vise seulement à « accord[er] l’impunité » aux auteurs des actes de torture. La juridiction strasbourgeoise estime donc que « la loi d’amnistie mauritanienne n’était pas de nature, en soi, à empêcher l’application de la loi française par les juridictions françaises saisies des faits au titre de la compétence universelle ». Enfin, la Cour constate que la législation pénale française ici en cause répond aux exigences d’accessibilité, de prévisibilité et de non rétroactivité. En conclusion, la requête est donc rejetée comme manifestement mal fondée (Art. 35 §§ 3 et 4)
Dans cette importante décision sur la recevabilité, la Cour s’est largement appuyée sur le dense réseau de normes internationales prohibant les actes de torture et ce, afin de consolider le mécanisme de compétence universelle. Elle valide ainsi, avec une certaine souplesse, le constat réalisé dans cette affaire par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2002 : « l’exercice par une juridiction française de la compétence universelle emporte la compétence de la loi française, même en présence d’une loi étrangère portant amnistie ».
Ould Dah c. France (Cour EDH, 5e sect. décision sur la recevabilité, 17 mars 2009, req. n° 13113/03 )
en word
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Décision d’irrecevabilité
30/03/2009
La Cour a déclaré irrecevable la requête dans l’affaire Ould Dah c. France concernant la condamnation d’un officier de l’armée mauritanienne par une juridiction française pour actes de torture commis en Mauritanie. Communiqué de presse
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voir le dossier sur le site de la FIDH
5/07/2007 [Affaire Ely Ould Dah]
Qu’en est-il de la demande d’extradition d’Ely Ould Dah, tortionnaire mauritanien libre bien que condamné en France à 10 ans de prison ?
Lettre ouverte à Madame Rachida DATI, ministre française de la Justice
30/06/2006 [Affaire Ely Ould Dah]
Appel pour l’extradition de Ely Ould Dah
Un an après la décision historique de la Cour d’Asssise du Nîmes, l’inaction coupable de la France
1er/11/2005 [Affaire Ely Ould Dah]
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Publication d’un rapport récapitulatif du GAJ de la FIDH sur l’affaire Ely Ould Dah.
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