La semaine du 16 février, Evo Morales, président de la Bolivie, était en visite officielle à Paris afin de négocier l’exploitation du lithium de son pays. Car le petit pays sud américain est bien décidé à profiter du boom de ce nouveau minerai à la mode dont il possède la plus importante réserve au monde.
Pays le plus pauvre de l’Amérique Latine en termes de revenu par habitant, la Bolivie détient pourtant une richesse phénoménale en ressources naturelles qui attire des pionniers depuis l’époque de la colonisation espagnole. D’abord l’argent et ensuite l’étain, aujourd’hui ce petit pays, dispose de la seconde réserve de gaz naturel de l’Amérique du Sud, avec des exportations vers le Brésil qui constituent 16% de son PIB. Cependant si on croit les experts, l’avenir de l’économie bolivienne ne dépendra pas de ses hydrocarbures mais de sa réserve d’une matière première en plein boom; le lithium.
L’or gris de la Bolivie
Depuis quelques années, le lithium a connu un essor considérable qui a fait grimper son prix de 350 dollars par tonne en 2003 à environ 3000 en 2008. Ce fort accroissement de la demande est lié à la production de batteries ultralégères destinées aux téléphones et ordinateurs portables. Car le lithium est non seulement l’élément le plus léger du tableau périodique, il présente aussi l’avantage de fournir une autonomie énergétique plus importante que d’autres métaux utilisés dans la confection des batteries. Des atouts qui n’ont pas échappé à la vigilance des constructeurs automobiles qui commencent déjà à commercialiser des voitures hybrides aux batteries lithium-ion. Alors l’engouement actuel pour des voitures électriques pourrait vite transformer ce minerai en denrée la plus convoitée du 21e siècle.
Avec une réserve d’environ 5,4 millions de tonnes (près de la moitié du lithium au monde), selon un rapport de l’institut d’études géologiques des Etats Unis, la Bolivie est idéalement placée pour en devenir le premier fournisseur mondial. Le gouvernement bolivien a bien compris l’enjeu de ce marché potentiel et en mai 2008, l’Etat a investi 6 millions de dollars pour ouvrir une usine pilote au Salar de Uyuni, un vaste désert de sel au sud-ouest du pays. Selon un communiqué du gouvernement, ce premier chantier, situé à 3,700 mètres d’altitude, « produira 20 000 tonnes de carbonade de lithium par an ». De quoi répondre au besoin croissant exprimé par l’industrie de l’automobile.
L’investissement étranger sous certaines conditions
Alors que les entreprises étrangères se bousculent pour établir des contrats d’exploitation de ce minerai miracle, le gouvernement socialiste d’Evo Morales compte mettre ses conditions au clair. Au mois de février, Ivan Canelas, le porte-parole du président Morales a annoncé que le gouvernement accepterait que ces firmes exploitent le lithium « si elles garantissent que la production des batteries et, même, des voitures, se fasse sur place ». Des exigences destinées à assurer le développement économique du pays à long terme. Selon le ministre des mines, Luis Alberto Echaz, qui s’exprimait lors d’un entretien avec le BBC, « la Bolivie ne répétera pas l’expérience du 15e siècle ». Mais si la Bolivie veut être au rendez-vous de l’explosion de la demande du lithium prévue d’ici 2015, ses dirigeants seront obligés de faire appel au savoir-faire technique des investisseurs potentiels.
Une autre variable qui pourrait être décisive dans le choix d’un investisseur étranger est celle du coût écologique. Des activistes boliviens s’inquiètent déjà des conséquences de l’extraction du lithium dans le Salar de Uyuni, une merveille de la nature qui attire des milliers de touristes chaque année. Si la décision du gouvernement bolivien est finalement influencée par des critères verts, ce ne serait pas la première fois. En décembre 2007, la société minière Jingal a gagné un contrat pour l’exploitation du fer dans les réserves vierges qui se trouvent au sud-est du pays. En plus d’avoir proposé d’excellents termes économiques, la firme bénéficie d’une réputation irréprochable concernant la protection de l’environnement.
Une possible alliance franco-bolivienne
Malgré des négociations qui s’annoncent difficiles, les premiers prétendants à l’exploitation du lithium bolivien se sont déjà manifestés et parmi les intéressés ; le groupe français Bolloré. Fabriquant de batteries au lithium, le groupe cherche à sécuriser ses approvisionnements de ce métal pour sa voiture électrique, la Bluecar, construite en partenariat avec Pininfarina et prévue pour une commercialisation début 2010. Lors de sa visite en France au mois de février, le président de la Bolivie, Evo Morales s’est rendu au centre d’essai de l’industriel breton, Vincent Bolloré, pour tester un prototype de la première voiture « 100%» électrique.
Tandis que le chef d’Etat bolivien s’est dit « satisfait » de sa visite en France, aucune annonce officielle n’a été faite concernant la proposition du groupe Bolloré pour l’exploitation du lithium bolivien. Mais pour que la Bolivie tienne sa promesse comme « future Arabie Saoudite » du lithium, il va falloir qu’elle trouve rapidement un allié étranger à la hauteur de ses exigences.
Nadya Masidlover *
Pour en savoir plus sur le sujet, lisez également « Les enjeux de la Bolivie d’aujourd’hui ».
* Étudiante au Master Informations et journalisme économique (IJE) de l’Université Panthéon Sorbonne.