Comme tout le monde, ou presque, j’ai appris en écoutant ma radio favorite
que Mayotte allait voter pour déterminer si elle allait devenir un département,
le 101ème !
Pour ceux qui, comme moi, avait une idée quelque peu vague de ce qu’est
Mayotte, un rapide petit rappel
géographico-historico-économico-socialo-politiquo-mayotto :
Mayotte est une ile de 376 km2 (en fait 1 ile principale de 360 km2 + 1 de
11km2 et des ilots) qui fait partie des Iles Comores (il y en à 4) situées dans
l’Océan Indien à grosso modo 8 000 kilomètres de la métropole, entre Madagascar
et le Mozambique…au bout du monde si on considère que l’autre bout c’est la
France métropolitaine.
La population est estimée (estimée parce que l’Etat civil y est franchement
défaillant) à un peu plus de 186 000 habitants à 98% musulmans, pratiquant, il
est vrai, un Islam mélangé de pratiques africaines ou malgaches. Les enfants
fréquentent à la fois l’école de la république et l’école coranique.
Mayotte possède deux systèmes de lois dont l’un est en français et l’autre
en arabe classique: d’une part, le droit pénal français et, le droit comorien
traditionnel islamique qui comprend le droit foncier et le droit civil. Ce sont
les cadis, des juges musulmans exerçant des fonctions civiles et religieuses,
qui appliquent le droit comorien. Les citoyens de Mayotte peuvent choisir le
droit commun français, mais en ce cas ils doivent renoncer notamment à la
polygamie autorisée par le droit comorien….pas facile !
La situation économique de Mayotte n’est pas franchement brillante avec un
revenu par habitant moitié moindre qu’en métropole, un taux de chômage de 22%,
des exportations limitées à huiles d’essence d’ylang-ylang, à la vanille et aux
poissons issus de l’aquaculture. Néanmoins cette situation est particulièrement
enviable par rapport à celles des comoriens des autres iles qui sont dans une
misère noire. A tel point qu’ils sont des dizaines de milliers tous les ans à
vouloir s’infiltrer à Mayotte souvent au risque de leur vie (on estime à
environ 7 000 de candidats à l’immigration morts depuis 15 ans en essayant de
rejoindre Mayotte sur leurs frêles esquifs).
Pour comprendre cette différence de situation entre Mayotte et les autres
iles des Comores, il faut se rappeler qu’en 1974, dans le cadre d’un processus
de « décolonisation »supervisé par l’ONU, les 4 iles des Comores ont été
amenées à se prononcer par référendum pour ou contre leur indépendance
vis-à-vis de la France. Seuls les mahorais ont eu le nez assez creux pour
demander à rester français plutôt que de prendre une indépendance certes
beaucoup plus gratifiante conceptuellement mais qui les aurait obligé à se
démerder tous seuls au milieu de 2 des pays les plus pauvres de la
planète : Madagascar et le Mozambique.
Et ce malgré les protestations des Comores et de l’ONU qui appellent depuis
cette époque à «la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale
de l’archipel des Comores … » et qui refusent la décision des Mahorais
arguant du fait que la décision aurait du être prise sur une base globale et
non pas ile par ile.
Quand on connait les déboires qu’ont connus ses 3 consœurs qui ont fait le
choix de l’indépendance, et la situation économique et politique que connait la
République islamique des Comores qui les réunit, on comprend non seulement leur
choix d’il y a 35 ans mais également celui d’il y a 30 heures.
Par contre ce que l’on comprend beaucoup moins c’est la décision de la
France de faire de ce territoire, situé à milliers de kilomètres de la
métropole, habité par des gens aux us, coutumes et religion sensiblement
éloignés de la tradition française, dont le français n’est qu’une seconde
langue au même titre que ….l’arabe, dont la situation économique n’est pas
fameuse, dont la prospérité toute relative attire les immigrants par milliers
et dont l’ONU conteste le statut….un département français avec tout ce que cela
suppose !
On peut comprendre que le statut actuel de l’ile de « collectivité
territoriale française » soit suffisamment bâtard pour ne satisfaire
personne, d’ailleurs il avait été établi de façon provisoire devant les
protestations internationales, mais était-il nécessaire d’en faire un
département ?
Plaquer sur ce territoire si différent à tous points de vue de celui du
reste de la France, un modèle commun, semble une absurdité. Aller raconter que
la départementalisation, en imposant les lois de la république, va permettre de
faire évoluer les mahorais vers notre belle et universelle culture occidentale
tient à la fois de la naïveté la plus consternante et de l’ethnocentrisme le
plus dépassé ! Si les Mahorais on souhaité rester dans le giron français
en 1974 ce n’est pas par attachement à notre belle république mais c’est pour
tous les avantages qui y sont attachés et en premier lieu la sécurité par
rapport à leurs consœurs comoriennes voisines et s’ils sont plus de 95% à
demander la départementalisation c’est pour graver dans le marbre un statut qui
leur permettra en plus de bénéficier du RSA, des allocations familiales et
autres minimas sociaux.
Même si la prudence est de mise puisque la départementalisation ne débutera
qu’en 2011 et se mettra en œuvre sur la base d’un processus de longue haleine,
fallait-il faire ce choix d’un statut commun avec la Creuse, le Calvados ou
même la Corse ?
D’ailleurs, n’y a t’il pas une certaine ambigüité dans cette approche
consistant à déclarer Mayotte comme étant un département français tout en
prévoyant un alignement des droits de l’ile sur ceux des autres départements
sur une durée qui peut osciller entre 20 et 25 ans comme si on voulait croire
que d’ici là les problèmes seront réglés !
Les récents évènements en Guadeloupe, auraient dû, pourtant, amener à
s’interroger sur la nécessité d’imaginer des modèles « originaux »
pour les DOM, COM et autres DROM. Au lieu de cela, sous prétexte d’une fausse
égalité républicaine, on colle à Mayotte un statut qui lui va manifestement
comme un bonnet de laine à une girafe !
Certes, et puisqu’on a fait l’erreur, il y a 35 ans, de permettre à cette
ile de s’isoler du reste des Comores, il ne fallait pas abandonner ce
territoire et ses habitants aux prétentions de leurs consœurs comoriennes dont
manifestement ils ne veulent pas, mais pour autant comment ne pas imaginer
qu’en l’état, la départementalisation ne va pas favoriser l’assistanat, la
fraude aux allocations et l’immigration massive des populations voisines
!
A peine le volcan guadeloupéen éteint que l’on s’empresse de recréer un
contexte identique sinon encore plus problématique ! …on aurait pu, au
moins attendre, le résultat des Etats généraux de l’outre mer…à moins que l’on
considère d’ores et déjà qu’ils n’aboutiront à rien !
En tout état de cause, il me semble qu’il eut été républicain et
démocratique de poser la question aux 100 départements français si ils
acceptent d’accueillir un petit frère et dans quelles conditions. Gageons que
cela aurait motivé nos gouvernants pour nous proposer un projet original qui ne
soit pas une bombe à retardement. Attention, Mayotte aussi est d’origine
volcanique !