Les ministres de l’Immigration Eric Besson et de l’Education nationale Xavier Darcos ont préféré renoncer ce lundi à inaugurer la médiathèque de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration à Paris, en raison de manifestations hostiles. Pourtant, cette médiathèque n’a rien de scandaleuse bien au contraire. Cette idée de musée de l’immigration avait été lancée il y a une quinzaine d’années par un collectif d’historiens avant d’être reprise par Lionel Jospin, alors Premier ministre, puis par Jacques Chirac qui l’avait inscrite dans son programme de campagne.
Seulement voilà, il y a eu depuis le triomphe du sarkozisme en 2007, lequel a prospéré notamment sur l’exploitation politique méthodique du sentiment xénophobe. Depuis deux ans, l’identité nationale – concept équivoque sciemment emprunté à l’extrême droite – est le champ de préoccupation d’un ministère à part entière.
Jamais depuis le régime de Vichy de sinistre mémoire, l’identité nationale n’avait été un tel enjeu politique et l’occasion pour la Droite de laisser libre cours à ses fantasmes de dilution de la Nation.
Il y a là une rupture évidente et inquiétante avec le modèle républicain. Ce que, soit dit en passant, Xavier Darcos – chahuté aujourd’hui – relevait lui-même hier encore sur Radio-J à propos du projet d’instauration de statistiques ethniques proposé par le commissaire à la Diversité et à l’Egalité des chances Yazid Sabeg :
«Je suis assez sceptique […] Je ne suis pas par nature poussé à cette idée qu’il faudrait avoir des classements qui référeraient à des origines ethniques […] Ce qui est proposé là rompt avec la tradition de ce qu’est la nation française depuis le XIXe siècle […] La nation française s’est fondée sur une idée de creuset […] Elle ne s’est jamais conçue à partir de considérations ethniques mais à partir de l’adhésion à un projet collectif de personnes venues de diverses origines et de diverses conditions.»
Il y a presque un an, nous écrivions dans un billet intitulé «l’identité nationale à l’épreuve du sarkozisme» :
«[Ce modèle antirépublicain] représente une stratégie délibérée et savamment menée de conquête des idées préalable à la conquête du pouvoir. La « lepenisation des esprits », qui s’est opérée pendant 25 ans dans notre pays, a trouvé son incarnation politique à peine allégée dans le sarkozisme. Là où Le Pen parlait clairement dans ses imprécations xénophobes et racistes d’« invasion musulmane » ou d’« invasion de ressortissants de pays du tiers monde », le sarkozisme y substitue l’image volontairement énigmatique, floue et imprécise de «l’immigré clandestin». Cet artifice de langage permet ainsi de catalyser impunément les discours les plus extrêmes en les parant de l’auréole de la légalité et de la défense de la cause du Français moyen, présenté comme la seule victime impuissante du « mondialisme » et de « l’Etablissement » (les amis de Sarkozy parlent plutôt volontiers de «bien pensance» ou bien reprennent à leur compte des expressions qui ont fait florès telles que « pensée unique », « bobos », « conformisme intellectuel », etc.).»
Depuis deux ans, la France s’est lancée dans une politique répressive en matière d’immigration dont les spécialistes de la Commission Mazeaud, pourtant mandatés par les pouvoirs publics, ont souligné en juillet dernier la redoutable inefficacité.
Rappelons aussi que la Cité de l’immigration n’a jamais suscité l’enthousiasme du Leader Minimo et de sa bande. En octobre 2007, celle-ci avait été inaugurée dans l’indifférence des pouvoirs publics. Sarkozy n’avait pas daigné s’y déplacer, pas plus que Brice Hortefeux, ministre de tutelle de l’époque, et prédécesseur de la merde morale qui, aujourd’hui, fait office de gardien de l’identité nationale.