Il a joué durant quarante cinq minutes.
Pour commencer du Bach, puis l'Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et de nouveau Bach.
A cette heure de pointe, il était près de 8h du matin, quelques mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur boulot.
Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : sans s'arrêter, une femme a déposé le billet dans sa soucoupe.
Quelques minutes plus tard, un quidam s'est appuyé sur le mur d'en face pour l'écouter mais regardant sa montre il a recommencé à marcher ... Il était clairement en retard.
Celui qui a marqué le plus d'attention fut un petit garçon d'environ trois ans.
Sa mère l'a tiré, pressée, mais l'enfant s'est arrêté pour regarder le violoniste. Finalement sa mère l'a secoué et agrippé vivement afin qu'il reprenne le pas. Toutefois, en marchant, l'enfant a gardé la tête tournée vers le musicien.
Durant les trois quarts d'heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l'écouter un temps.
Il a récolté en tout et pour tout 32 dollars.
Quand il a eu terminé de jouer personne ne l'a remarqué. Personne n'a applaudi. Une seule personne l'a reconnu, sur plus de mille.
Personne ne se doutait que ce violoniste était Joshua Bell , un des meilleurs musiciens sur terre.
Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation au théâtre de Boston était " à guichet fermé " avec des prix avoisinant les 100 dollars la place. C'est une histoire vraie.
L'événement Joshua Bell, jouant incognito dans une station de métro, a été organisé par le " WashingtonPost " dans le cadre d'un enquête sur la perception, les goûts et les priorités d'action des gens.
Les questions étaient :
- dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ?
- Nous arrêtons-nous pour l'apprécier ?
- Pouvons-nous reconnaître le talent dans un contexte inattendu ?
Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être :
Si nous n'avons pas le temps pour nous arrêter et écouter l'un des meilleurs musiciens du monde jouant quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, à côté de bien d'autres choses exceptionnelles passons-nous ? [...]
Cette conclusion des auteurs du diaporama diffusé , est bien sûr la première qui vient à l'esprit. Mais on pourrait tout autant s'orienter vers d'autres réflexions ..
Pourquoi un tel prix pour un Stradivarius ? La beauté, le "sacré", l'excellence ... qui en décide ? "Un seul a reconnu le musicien" ... C'est déja pas si mal dans ce contexte et cet environnement. Trente deux dollars en 45 minutes ... ! Les réponses à ces questions ne sont pas si faciles, elles supposent que soit accepté la référence au "beau" le plus souvent imposée. D'où viendrait cette reconnaissance "naturelle" : L'enfant ?
Etait-ce une reconnaissance ? ou simplement un questionnement par rapport à l'incongruité de la scène. Gamin, je gardais toujours aussi les yeux fixés sur le musicien, mais pas à cause de sa musique. C'était l'homme seul, isolé du contexte, qui m'interrogeait.
La distinction entre ce qui est beau et ce qui ne l'est pas varie suivant les époques et les individus. Ce que l'on entend même par sentiment du beau diffère selon les penseurs et bien des cultures n'ont pas de mot qui corresponde exactement au beau du français actuel.
["Super" lien envoyé par Makhno ]