Dans le courrier reçu par Orwell et que la veuve d'Eliot a conservée, le poète explique toute son appréhension, et se demande dans quelle mesure ce point de vue est le bon pour « critiquer la situation politique actuelle ». Et s'il reconnaît que c'est un devoir d'éditeur que de publier des oeuvres allant à contre-courant, ayant d'autres motivations que les visées commerciales, il estime avant tout que certaines choses doivent être dites au bon moment.
Si les animaux de la ferme d'Orwell ont les traits caractéristiques de certains personnages historiques, tels que Napoléon ou Staline, on peut y lire également l'expulsion dénoncée par l'auteur de Trotsky hors de l'URSS. Et Eliot considère que ce n'est pas de cette manière que l'on persuadera le public que la logique de l'un est meilleure que celle de l'autre.
Cette lettre, qui sera publiée prochainement par les éditions anglaises Arena, fascine l'éditeur Anthonyè Wall. Car le texte a depuis une valeur et une fulgurance toujours aussi pertinentes dans leur critique des sociétés totalitaires et de la manipulation des masses par les autorités. Mais plus qu'une simple lettre de refus, c'est aussi un hommage qu'Eliot rendait alors à Orwell, lui souhaitant bon courage pour ses prochaines publications.
« J'ai un grand respect pour votre travail, parce qu'il incarne une écriture d'une intégrité essentielle. »