Le Comédien

Si, comme moi, tu es plutôt bonne pâte, cher lecteur, tu n'as pas pu échapper, au moins une fois dans ta vie, au sacro-saint rituel du déménagement de ton (ou ta) meilleur(e) ami(e).
Mais si.
Souviens-toi.
Ce pote qui, lassé d'entasser cinq mille magazines pornographiques et l'intégralité de la Bibliothèque Verte dans son minable studio de quinze mètres carrés, t'a un jour mis à contribution, ainsi que divers oisifs de ton entourage, afin de transplanter ses pénates d'éternel adolescent boutonneux dans une tanière un peu plus vaste.
Ce même pote qui, à peine un an plus tard, ne s'est pas privé de refaire appel à ta légendaire générosité lorsqu'il s'est agi de quitter le gourbi de vingt mètres carrés dans lequel tu l'avais aidé à s'installer, gourbi qui, déjà, ne suffisait plus à contenir sa collection de films de Roger Corman (de Swamp Women à Road Riders, soit environ cinq cent chefs-d'oeuvres du nanar international), ses trente kilos de linge sale, une carcasse de cabine téléphonique noircie par les flammes et une réplique en carton-pâte, taille réelle, de Lucy Lawless habillée en Xena la guerrière (une sorte de drag-queen néo-zélandaise fort populaire chez les lesbiennes encore dans le placard).
Cet ami de toujours qui, pas plus tard hier, t'a passé un coup de fil entre deux épisodes de Doctor House afin de savoir si, par hasard, tes petits muscles avachis et ton sens inné de l'organisation (...) seraient éventuellement disponibles, car les trente mètres carrés de son coquet petit deux-pièces avec terrasse sont décidément sur le point d'exploser sous la pression de son inflationniste bordel de gamin surdoué mais priapique.
Ce à quoi, bien évidemment, gentil lecteur...
Tu as répondu "pas de problème".
Tout comme moi.
Voilà donc notre sale gosse qui déménage, une fois de plus.
Tu peux désormais retrouver cet adepte du ridicule kilt écossais, ce fan absolu de Bill Murray, ce dessineux velu comme un Yéti et aussi bipolaire qu'un yorkshire sous LSD, quelque part par ici, et sous un nouvel avatar (que jamais).
Quant à moi, je vais me remettre de tous ces efforts en me bourrant la gueule au gros rouge, tout en visionnant The Saga of the Viking Women and Their Voyage to the Waters of the Great Sea Serpent.