Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser
qu’à l’avenir. C’est une illusion dangereuse de croire
qu’il y ait même là une possibilité. L’opposition entre
l’avenir et le passé est absurde. L’avenir ne nous apporte
rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui pour le construire
devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même.
Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons
d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé
et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins
de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé.
Simone Weil, L’enracinement, 2e partie
Ed. Gallimard