T’es-tu vu quand t’as bu?
Lisa Melia Dossier Alcool et drogues
Le 9 mars dernier, les députés français ont adopté un projet de loi visant à interdire la consommation d’alcool pour les mineurs. L’interdiction pour les moins de 16 ans existait déjà – et n’était déjà pas respectée. Cependant, entre 16 et 18 ans, la vente d’alcools “non forts” était autorisée. Pour ma part, je ne me sens pas vraiment concernée par ce projet de loi: je ne bois pas, par goût plus que par conviction d’ailleurs.
Projet de loi pertinent?
En France, certains considèrent ce projet comme inutile: 18 ans ou pas, un jeune qui veut boire boira. Surtout que l’interdit représente un certain attrait pour pas mal d’ado. De plus, les jeunes sont lassés d’être considérés comme des irresponsables qui boivent et fument pour suivre le “troupeau” des copains. Marre d’être tous mis dans le même panier. D’autres, en revanche, s’affolent des chiffres de comas éthyliques. A même pas 15 ans, le nombre d’adolescents qui a déjà été saouls est élevé – et effrayant. A seulement 11 ans, 59% des français ont déjà bu de l’alcool. A 13 ans, 16% ont déjà été ivres. Le chiffre grimpe à 41% pour les jeunes de 15 ans. C’est pourquoi d’aucuns pensent qu’il faut absolument encadrer la vente et la consommation d’alcool pour éviter les drames.
Les jeunes, l’alcool et le Québec
Tout ça pour en arriver à la façon dont ça fonctionne au Québec. Lors de ma première visite, en vacance avec mes parents, j’avais 17 ans. Je n’étais donc pas majeure, ni en France, et encore moins au Canada. Comme cela arrivait très souvent en France, mes parents m’ont demandé d’aller leur acheter deux bouteilles de bière pour la soirée; accompagnée de ma petite sœur. Naturellement, l’alcool était pour eux.
Je me souviendrai longtemps des yeux écarquillés du vendeur qui a refusé catégoriquement de me vendre la moindre goutte d’alcool. D’autant plus que lorsqu’il m’avait demandé mon âge, j’avais bien sûr dit la vérité. Mon accent français m’a sauvé, mais l’épisode est maintenant inscrit dans l’histoire familiale et continue de nous faire rire. Et pourtant, la France prend le même chemin puisque la vente d’alcool à toute personne qui n’est pas majeure est maintenant interdite en France aussi. Mais la différence principale est que les commerçants québécois appliquent la loi, eux!
Les jeunes et l’alcool: préconiser l’interdiction ou l’autonomie?
Et pourtant, je me demande vraiment si l’interdiction est la bonne solution. Les jeunes trouvent toujours le moyen de se procurer l’alcool qu’ils veulent. En falsifiant les cartes d’identité, ou tout simplement en demandant à une personne majeure.
Mais même si les chiffres français de la consommation des adolescents font peur, je trouve que laisser aux jeunes une certaine autonomie est important. La plupart d’entres eux font peut-être un ou deux excès, mais cela leur permet aussi de connaître leurs limites, et de les respecter par la suite. Grâce à ça, ils savent boire.
Une amie m’a raconté une anecdote. Alors qu’elle avait 17 ans, sa classe a fait un échange scolaire avec un lycée américain. Quand lesdits américains sont venus en France, ils ont été ravis par la facilité de se procurer de l’alcool. A tel point que plusieurs d’entre eux ont beaucoup trop bu et qu’une jeune fille s’est retrouvé à l’hôpital dans le coma. Selon mon amie, l’explication est simple: ils ne savaient pas boire et ne connaissaient pas leurs limites.
C’est toujours un débat difficile. Faut-il protéger les jeunes d’eux-même, tout en sachant que de toutes façons ils trouveront toujours le moyens de contourner l’interdiction, ou faut-il leurs faire confiance, en sachant que le verre de trop peut avoir des conséquences dramatiques voire irréparables?