Je leur disais donc : "Les filles, les propos que je dois aujourd'hui vous tenir ne me font aucunement plaisir. Mais au combat comme ici, vous savez toutes que nous sommes loin de faire ce que nous voulons. "
Pour information, certaines d'entres elles montaient au front avec moi depuis plusieurs mois, peut-être même plus d'un an pour les plus vieilles d'entre elles. Les mots qui allaient suivre me fendaient le coeur tout autant qu'à elles mais je me devais de les prononcer.
"Vous n'avez jamais fléchit devant l'ennemi et sachez que la nation vous en est réconnaissante. Malheureusement certaines d'entre vous ont subit des blessures plus ou moins graves et sont à l'heure actuelle dans un état parfois alarmant". Je voyais qu'elles commençaient à se sentir mal à l'aise. Je ne faisais qu'énoncer une vérité connue de nous toutes ici présentes. A l'exception de deux ou trois, elles baissèrent toutes les yeux et commencèrent à se tortiller - autant que leur grade leur permettent de se tortiller, elles n'oubliaient pas qui elles étaient ni où elles se trouvaient.
Je continuais donc : "depuis des années, nous avons poursuivi ensemble le même combat avec la même détermination et la même concentration, en luttant contre les intempéries, l'hiver, le froid, l'enfermement. Vous avez toutes prouvées votre bravoure et votre courage en passant de longues heures dans des lieux clos et sombres où l'air était parfois irrespirable."
Je fis une pause, comme si j'hésitais à continuer. Elles n'avaient désormais plus beaucoup d'espoir sur l'issue de cette histoire. Deux d'entre elles, quelques semaines avant, avaient déjà subies le sort qui les attendait aujourd'hui. "Il a été décidé en haut lieu que pour les combats à ciel ouvert qui nous attendaient dans les semaines et les mois à venir, certaines d'entre vous étaient bien trop blessées pour s'exposer de la sorte. C'est pour cela qu'il est difficile mais indispensable pour moi de vous annoncer que 6 d'entre vous vont nous quitter sans attendre. Elles seront remplacées sans attendre et je vous demanderai de faire bon accueil aux nouvelles recrues !"
Je passais en revue une dernière fois l'ensemble de la troupe et d'une main qui ne trembla pas, je choisis celles qui allaient quitter les autres pour toujours. Sombre journée pour une chef de troupe mais la vie est ainsi faite...
C'est toujours difficile d'acheter de nouvelles chaussettes chez Monoprix et de devoir se séparer des vieilles !