Afghanistan : Les Européens face à une guerre "américanisée"

Publié le 28 mars 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Les Européens vont-ils être marginalisés sur le théâtre afghan ? L'annonce, vendredi 27 mars, par le président américain Barack Obama de l'envoi d'importants renforts en troupes et en aide civile, va réduire leur part dans le déploiement international. La capacité des Européens à peser sur la stratégie d'ensemble risque de s'amoindrir.

Les soldats américains comptaient jusqu'à présent pour un peu plus de la moitié de la force de l'OTAN en Afghanistan (60.000 hommes). A la fin 2009, le rapport sera d'environ de 2 contre 1, en défaveur des Européens. La tendance pourrait s'accentuer si, comme le laissent entendre des généraux américains à Kaboul, d'autres troupes sont ultérieurement envoyées par Washington.


Les moyens européens sont bien inférieurs à la puissance militaire et financière des Etats-Unis. A la conférence internationale de La Haye sur l'Afghanistan, le 31 mars, les Européens devraient annoncer de nouvelles aides à la reconstruction. Les opinions publiques peinent à percevoir ce conflit lointain comme un enjeu de sécurité nationale.

Hormis les Britanniques, qui forment le deuxième contingent, les pays européens ont souvent été critiqués, ces dernières années, par les responsables américains, pour leur difficulté à déployer plus de capacités de combat. Lors de sa visite en Europe à l'été 2008, le candidat Obama avait appelé les alliés à endosser une plus grande part de l'effort militaire. La France et l'Italie ont levé leurs restrictions à l'emploi de la force ("caveats"), et accru leur présence militaire sur le terrain. Mais les Néerlandais menacent de quitter la coalition en 2011.

L'accent mis par M. Obama sur le Pakistan et la dimension régionale, ainsi que sur le volet civil, est salué par les Européens. Les Français et les Allemands, notamment, considèrent qu'en procédant de la sorte, Washington se rallie enfin à leurs vues. Soucieux de préserver le multilatéralisme sur le dossier afghan, les Européens veulent renforcer le rôle de l'ONU dans ce pays. Londres, Berlin et Paris ont aussi nommé des "envoyés spéciaux" pour l'Afghanistan et le Pakistan, anticipant la création d'un "Groupe de contact".

Le "surge" (renfort) américain pourrait alléger la pression sur les capitales européennes. Chacun admettait que la coalition avait besoin de moyens supplémentaires face aux talibans. Mais pour des raisons de politique intérieure, ni le président Nicolas Sarkozy (qui gère le retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN) ni la chancelière allemande Angela Merkel (qui fait face à des échéances électorales) ne peuvent accroître spectaculairement leurs contributions de troupes.

"Il y a six mois, les Américains demandaient 2.000 soldats français supplémentaires, dit une source officielle à Paris. Maintenant, ils nous poussent beaucoup sur la formation de la police, et l'envoi de gendarmes." Washington a demandé un "surge" civil à ses partenaires. La France a mis à l'étude l'envoi d'une mission européenne de 150 à 200 gendarmes.

Le caractère "américain" de la guerre s'illustrait déjà dans le fait que seul le commandement Centcom de Tampa (Floride) dispose d'une vue d'ensemble sur toutes les opérations armées, qu'elles relèvent de l'OTAN ou de la mission américaine distincte "Liberté immuable" qui traque Al-Qaida. Et les Européens n'ont aucune prise sur l'intensification des frappes de drones américains au Pakistan, diversement appréciées, tant elles contribueraient à "talibaniser" le contexte local.

Source du texte : LE MONDE.FR