Ca alors ! Moi qui, quand je ne rédige pas ces petites chroniques cinématographiques, travaille pour le compte des laboratoires Recherche & Développement d’une grande société cosmétique française, j’étais à mille lieues de me douter que l’espionnage industriel était aussi répandu – et féroce ! – dans mon métier…
C’est pourtant le cas dans Duplicity, de Tony Gilroy, où deux sociétés cosmétiques rivales n’hésitent pas à faire appel à des as de l’espionnage international soit pour aller voler les idées du voisin et les appliquer avant lui, soit s’assurer de la sécurité des formules de produits qu’ils inventent… Deux ex-espions amoureux l’un de l’autre, lui venant du MI6, elle ancienne de la CIA, vont tenter de profiter de la lutte acharnée que se livrent les deux sociétés rivales, pour mettre la main avant tout le monde sur le produit miracle qui s’apprête à révolutionner le monde de la dermo-cosmétique et le donner au plus offrant.
Damned ! Si ça se trouve, quelqu’un est en train d’exploiter tout mon précieux travail et de dérober les belles crèmes que j’ai mises au point ! Pire, mes collègues jouent peut-être double jeu ! Quand j’y pense, Véro n’a pas l’air d’être une vraie formulatrice – elle dit que ses produits sont fait avec du « gras de la tête »… Et si Benoît fait tout le temps le clown, c’est peut-être pour faire diversion et lui permettre de mieux m’amadouer… Et Titane ? Elle dit qu’elle est enceinte… Mais est-ce qu’on est sûr qu’elle ne cache pas des microfilms et des documents sur son ventre, hein ? Quand à Priscillia, la petite nouvelle, elle se fait passer pour un agneau inoffensif, mais elle maîtrise cinq types de boxes différents. C’est pas une preuve, ça ? Oups… Je suis en train de virer parano, moi…
Il faut dire que la paranoïa, c’est le moteur de cette comédie d’espionnage habilement construite.
Tony Gilroy, réalisateur du très bon Michael Clayton et scénariste de plusieurs thrillers à succès, a sans doute puisé son inspiration chez certains de ses confrères – on pense notamment à Soderbergh – mais il a le mérite d’avoir volé la bonne formule et d’avoir su l’exploiter intelligemment. L’intrigue est rondement menée et ménage suffisamment de rebondissements pour tenir en haleine le spectateur pendant deux heures. Les acteurs sont tous excellents, à l’image de Tom Wilkinson et Paul Giamatti, qui campent les deux chefs d’entreprises rivaux, entre calme calculateur et humour sournois.
Et puis il y a le couple formé par Julia Roberts et Clive Owen, qui fonctionne à la perfection. Le film est rythmé par les savoureuses joutes verbales des deux amants, constamment méfiants l’un de l’autre, car conscients de leurs talents de menteurs et de leur pouvoir de séduction. On se demande en permanence si leur amour est sincère ou s’il ne s’agit pas d’un énième jeu de dupes, ce qui ajoute au délicieux vertige d’un scénario déjà complexe, où on a du mal à savoir qui est le chat et qui est la souris.
Si on oublie quelques nœuds narratifs peu crédibles et un peu “tirés par les cheveux”, Duplicity se laisse donc voir avec plaisir. Si vous cherchez un divertissement supérieur à la moyenne, vous pouvez tenter le film de Tony Gilroy.
Mais ne le dites pas autour de vous, assurez-vous de ne pas être suivis, et rasez les murs… Oulah, ça recommence. Il faut vraiment que je soigne ma paranoïa, moi…
Note :