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Et la démocratie, bordel !

Publié le 28 mars 2009 par Alain Hubler

Et la démocratie, bordel ! Comme tous les matins, Watusi, très matinal et pétant la forme, s’approprie le sachet de thé commun pour se faire son petit-déjeuner. Nafle, gros dormeur fatigué en sera pour ses frais. C’est ainsi que commence cette pièce d’Oscar Castro et c’est ainsi qu’elle se terminera : le monde tourne en rond à défaut de tourner rond.

Watusi et Nafle sont deux clochards qui vivent de la récupération du vieux papier et de la ferraille. Pour transporter leurs trésors, ils utilisent une carriole qu’ils appellent la «Douloureuse». Pour sa part Sonajeras, le clochard étranger, passe son temps à mettre au point un système qui transformera la «Douloureuse» en machine volante. C’est à ce titre que les deux chiffonniers lui prêtent parfois leur «véhicule d’entreprise».

Outre le partage du sachet de thé, nos deux chineurs ont un problème à résoudre : qui doit tirer la «Douloureuse» ?

Un jour, Watusi, le meneur, a une idée : chacun sera Roi à tour de rôle pour une semaine et l’autre sera le Peuple. Bien évidemment le Peuple sera soumis à son monarque et tirera la «Douloureuse».

Puisqu’il en a eu l’idée, Watusi sera le premier Roi. Mais, une semaine après il aura bien du mal à céder les rênes du pouvoir à son vieux copain. La «raison d’Etat» le poussera à transformer son régime monarchique en régime présidentiel puis en dictature. Pendant ce temps, Nafle, le Peuple, continue de tirer la «Douloureuse» et de subir le bon vouloir, les sautes d’humeur, les injustices et l’arbitraire de celui qui le dirige.

Suite à des élections magouillées, l’arrivée au pouvoir de l’étranger, du différent, de l’inventeur et du rêveur Sonajeras nous convaincra définitivement que l’autre est notre semblable.

Les systèmes politiques testés par nos gueux astraux iront d’échec en échec ce qui les conduira à se demander s’il ne serait pas temps d’inventer un nouveau système : «Une monarchie socialiste ? Un communisme libéral ? Un fascisme plus humain ?» Mais le Peuple, Nafle, après une révolution continue de croire à la démocratie «Mais moi je veux croire en la démocratie. C’est vrai quoi ! Il faut y croire même si ce n’est pas vrai!»

Un spectacle qui met en évidence les échecs de tous les systèmes politiques connus à ce jour et qui en souligne les défauts dans un style humoristique et poétique sans jamais tomber dans l’acrimonie.

Une pièce dont la mise en scène est impeccable, inventive et foisonnante et dont les acteurs convaincants et toujours très justes rendent leur personnage terriblement – trop ? –  attachant. Quant au texte, il nous offre un magnifique assortiment de citations des grands de ce monde qui, dans ce contexte précis, révèlent leur vacuité.

Bien évidemment, toute ressemblance avec des événements ou des personnalités vivantes ou ayant vécu n’est pas une coïncidence et, si Watusi explique à Nafle que pour gagner plus il va falloir travailler plus, ce n’est pas le fruit du hasard.

Si j’étais dictateur, je contraindrais tous les politiciens à courir voir cette pièce mise en scène par Doris Naclerio et interprétée par Michel Gilliéron, Rémi Pous et Pascal Schopfer. Mais comme je suis démocrate, je me contente de le leur conseiller vivement. Un conseil valable aussi pour le Peuple.

  • «Et la démocratie, bordel !», c’est au Pulloff, à Lausanne, jusqu’au 5 avril prochain.

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