J'ignore pourquoi, j'ai ce plaisir intense, enfantin de posséder des livres. Je lis "Seule Venise" de Claudie Gallay, et tout à coup un éclair, une flèche de joie rien qu'à l'idée de savoir que ce livre "est à moi". Je pourrais les emprunter, parce que tout mon argent passe en livres, mais alors j'aurais l'impression qu'une partie de la joie manque. Je ne posséderais pas l'histoire comme je la possède, je ne pourrais pas l'entasser sur les autres... Inexplicable et jouissif. J'ai tellement de livres que mes étagères ont craqué, je n'en trouve plus un seul, enfin pas celui que je cherche. Ceux qui sont sur le haut des piles me reviennent à la main, je les palpe, les tourne, les renifle, je me demande quand et si je les ai lu. Il m'arrive d'en acheter et de ne pas lire. Je me console en sachant que mon maître à penser, Colin Wilson, fait pire que moi. Il en a environ trente mille, répartis dans sa maison en Cornouailles, il en a fait des tables et autres meubles, on ne sait pas se déplacer chez lui, à cause des livres... J'ai fait une petite table pour la télé avec la collection des Conan Doyle, ils sont tous rouges, c'est plus joli. Evidemment je me condamne pendant un certain temps à ne pas relire Sherlock Holmes. Pas grave, je relis rarement excepté "La Pierre Philosophale" (de Colin Wilson) dont je n'ai pas encore étudié toutes les nuances. Cette histoire de professeur, qui pour élargir son champ de conscience, se fait des minuscules trous dans la tête avec des fils d'or, me fascine complètement. Tout mon chemin littéraire est parti de là et puis finalement les croyances sur lesquelles je me suis construite. Le terreau de base était là, mais il l'a modelé. J'aime moins la fin où il rejoint Lovecraft et ses terribles Grands Anciens.