« Le Festival du dessin de presse, d’humour et de la caricature à Louviers (1) c’est terminé. Et pour ce qui nous concerne, nous n’en porterons pas le deuil ! Qu’un festival ainsi nommé n’ait pas été capable en treize années d’existence de rendre le moindre hommage au rôle qu’eut le dessin de presse et la caricature dans la vie politique lovérienne des années 70 était inexcusable.
Car, en ce temps là, avec le CAG (Comité d’action de gauche) qu’animait le Dr Ernest Martin, ancien maire, Louviers était pionnière dans bien des domaines. Bien moins endettée qu’elle ne l’est à présent, elle s’offrait le luxe inouï de proposer l'accès dans tous les services municipaux : transports, loisirs, activités culturelles, spectacles, etc.
Nombreux sont les Lovériens de ma génération qui se souviennent d’avoir assisté sans bourse déliée dans la cour de la mairie ou à la salle des fêtes au spectacle d’adieu des Frères Jacques, aux récitals d’Anne Sylvestre, Georges Moustaki, Robert Charlebois, Maxime Le Forestier, Yvan Dautun, François Béranger, etc… Pour Ernest Martin, les Lovériens acquittaient tous ces services fiancés par les impôts locaux. Leur faire payer de surcroît un ticket d’entrée revenait donc à pénaliser doublement les plus modestes. D’une part, en les mettant à contribution et d’autre part, en leur en barrant ainsi l’accès.
Plusieurs fois, les innovations lovériennes firent l’objet d’enquêtes de journalistes nationaux et d’articles dans le Nouvel Observateur; Libération et le Monde qui, à l’époque, avait une tout autre consistance qu’aujourd'hui.
Pionnier, le CAG le fut aussi par sa manière d’utiliser les ressorts de l’humour et la caricature au service de la cause politique qu’il défendait. Il brocarda, parfois même férocement, ses adversaires politiques de droite de l’époque et non des moindres. Rémy Montagne, tout gendre de la famille Michelin qu’il était et secrétaire d’État de Giscard d’Estaing qu’il termina, n’y échappa pas moins que ses lieutenants.
Ce n’est donc probablement pas un oubli si le maire de Louviers n’a pas souhaité, au cours de ces treize années d’existence du Festival, offrir aux Lovériens de tous âges la joie de revoir ou de découvrir l’histoire pas si lointaine de ces campagnes électorales bouillonnantes d’humour et d’impertinence.
Car si le maire de Louviers soutenait le Festival de dessin de presse, d’humour et de la caricature, la limite de sa liberté d’expression était implicitement définie. Elle était, dirons-nous, celle du politiquement correct selon les critères du notable qu’il est devenu.
Mal nous en pris de renouer l’an passé pour la campagne électorale municipale avec cette tradition oubliée. On vit alors la réaction immédiate d’hostilité menaçante de Franck Martin à cette forme d’humour et de contestation dès que nous nous en prîmes à sa modeste personne.
Sa décision de mettre fin à ce festival n’y est sans doute pas totalement étrangère. »
Reynald Harlaut
(1) L'association « Porte-mine » était totalement subventionnée par la ville de Louviers.