On savait que ça arriverait. Parce qu'on est passés par là, parce qu'on nous avait prévenus. Mais on ne pensait pas être pris au dépourvu à ce point.
La petite, à la veille de ses trois ans, a développé un tas de petites peurs qui deviennent tranquillement préoccupantes: peur du noir, peur de sa chambre le soir, peur des voleurs, peur des bruits de pas des voisins, peur des inconnus. Jusque là, on nageait dans cette soupe sans trop de problèmes, surtout qu'il semble courant à cet âge de développer des craintes irraisonnées, sans compter les incertitudes qu'amène la venue prochaine d'un petit frère.
Cependant, la soupe devient potage: les peurs se sont accentuées et leur pire manifestation est maintenant une peur phobique des inconnus, surtout quand il s'agit d'hommes (mais aussi de femmes parfois, bien que ce soit plus rare), au point où elle s'agrippe à nous en hurlant comme si nous la menacions de lui faire prendre un bain de lave.
Je sais ce que vous pensez. On y a pensé aussi. Pas de gaité de coeur, mais il fallait bien s'y arrêter. On a fait le tour des possibilités et pourtant rien ne colle; elle n'a jamais été seule avec des étrangers et elle ne craint personne de son entourage qui a déjà passé ne serait-ce que trois secondes seul avec elle.
On se rassure: dès que la «menace» est passée, elle redevient la petite fille enjouée, rieuse, curieuse et volubile habituelle.
Mais nous, on fait quoi? Comment parer les peurs sans les cristalliser, sans qu'elles deviennent phobophobie (la peur d'avoir peur)? Comment les faire disparaître sans faire le travail à sa place?
Il n'y a peut-être pas de réponse. C'est probablement une autre de ces joies d'être parent, un autre de ces milliers de points d'interrogation qui retardent notre sommeil le soir venu et qui nous grisonnent tranquillement les tempes. C'est peut-être juste la vie aussi.