Des parents à l’école

Publié le 27 mars 2009 par Raymond Viger

Isabelle Burgun

(Agence Science-Presse) - La construction d’une école primaire pour les enfants de la communauté semi-nomade Anicinapek de Kitcisakik redonne une vie de famille aux plus jeunes. Elle permet aussi aux plus vieux de renouer avec un apprentissage négligé: celui de parents!

«Ces derniers n’ont pas perdu leurs habiletés parentales, elles sont enfouies. Ils doivent les récupérer», soutient Marguerite Loiselle. La professeure en science du comportement humain et social de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pilote une recherche-action visant l’engagement de la communauté de Kitcisakik envers la santé et le bien-être de ses enfants. Ce projet vise également la formation de praticiennes-chercheuses algonquines. De nombreuses étudiantes autochtones, dirigées par la chercheuse, pourraient ainsi devenir des personnes ressources pour leur propre communauté.

Une vieille coupure

Depuis les années 1950, les jeunes Algonquins de cette communauté ont été placés dans des pensionnats puis dans des écoles dispersées sur le territoire abitibien. Jusqu’à tout récemment, les plus petits étaient encore envoyés à l’école primaire de Val-d’Or.

Toute la semaine, ils étaient hébergés chez des «blancs» de la ville. «Depuis un demi-siècle, il y a une coupure entre les parents et les enfants. Ils ne sont pas habitués à avoir leurs enfants sept jours sur sept, à composer avec les devoirs, la discipline, la routine», explique la professeure.

C’est pourquoi des chercheurs ont décidé de les accompagner dans cet apprentissage de la responsabilité parentale. Il s’agit d’un projet initié par la communauté de Kitcisakik elle-même. La construction récente de l’école Mikizicec fait émerger de nombreux besoins pour les parents que l’experte classe en six catégories : besoins affectifs (rapprochement parents/enfants), quotidiens (gestion de la discipline, horaires, vie domestique), sociaux, scolaires, financiers et culturels.

«Une école qui nous ressemble»

«Ils désirent aussi qu’on les aide à raviver et à revaloriser leur culture auprès des jeunes. Ils veulent une école qui leur ressemble», rapporte-t-elle. La culture algonquine s’affichera donc sur les murs et au sein des manuels scolaires. Les aînés de la communauté seront sollicités pour venir rencontrer les élèves.

Ce sera principalement au groupe de mobilisation formé de parents à prendre en charge les différences initiatives visant à rapprocher les enfants, les parents et l’école. Il se tiendra ainsi des cafés-rencontre pour parents autour de thématiques en lien avec le rôle de parent: aide aux devoirs, discipline, encouragement de l’enfant, etc.

Les cinq parents du groupe de mobilisation feront le lien entre les parents et l’école pour que tous les parents s’impliquent. «Nous voulons une pérennité et ce groupe sera soutenu par toute la communauté», explique la chercheuse.

Installée au cœur du Parc de Lavérendrye, Kitcisakik rassemble une centaine de maisons sans eau ni électricité. Cette communauté, l’une des plus pauvres de l’Est canadien, n’a pas le statut de réserve car les six familles originaires de cette communauté n’ont jamais accepté de se sédentariser. La création en 2005 d’une école primaire, sera la première pierre de l’aménagement du futur village. Elle accueille, depuis septembre dernier, les trois niveaux de primaire et la maternelle.

Pour en savoir plus

«Le retour des jeunes enfants dans la communauté algonquine de Kitcisakik: une recherche-action visant l’engagement de la communauté envers la santé et le bien-être des enfants» par Marguerite Loiselle, Marie-Pierre Bousquet, Suzanne Dugré, Stéphane Grenier et Micheline Potvin, phase 1, 2008

http://www.uqat.ca/Repertoire/personnel.asp?fiche=A40204&menu=recherche

http://ca.youtube.com/watch?v=Xw0CYANm_js