Cela fait du bien dans ce monde de dingue, de souffler le temps de quelques soirées, sous la couette et de lire le mot « fraternité ».
Ce qu’il y a d’épatant dans ce live c’est que « fraternité » rime avec lucidité.
Il n’y a pas la place pour les bons sentiments dans ce livre ; la « fraternité » ce n’est pas de l’eau de rose, même si elle naquit avec la chrétienté ! Debray l’explique bien : « La fraternité ce n’est pas aimez vous les uns les autres, mais combattez ensemble ! » !La fraternité est subversive, sympa non ? La fraternité révolutionnaire, cela m’amuse beaucoup. Un peu de poudre… de perlimpinpin dans un océan de bien-pensant, c’est ça la vraie fraternité !
Redevenons sérieux : on évoque souvent la liberté, l’égalité, mais rarement la fraternité. Debray nous rappelle que c’est Robespierre qui proposa en 1790 fraternité sur les frontons des drapeaux. La fraternité c’est aussi une sacralisation : » Là où il y a un nous, il y aune sacralité ; et là où le nous se disloque, le sacré s’estompe ». J’aime bien cette phrase qui est dans l’actualité. Le « je » se disloque sous nos yeux, regardez autour de vous. Egoïsme, égotisme, narcissisme, hyperbole de la grandeur, la magnificence du moi… regardez amis bloggeurs… tout ça fout le camp ! Les certitudes d’hier s’évaporent. L’heure est aux convictions à la solidarité active. Les temps du nous, du rassemblement, de la collectivité, du partage sont venus. Une certaine forme de fraternité à la fois pour s’aider, faire vivre son entreprise, la faire survivre même. Malheur à ceux qui vivent encore sur des schémas éculés… ils se préparent à des jours sinistres.
Les entreprises qui sacrifient leur personnel au profit de la rentabilité à court terme, seront dépourvues quand les beaux jours seront revenus. Des manageurs, tirent la sonnette d’alarme, qui s’en soucie ? Une de mes amies DRH m’expliquait récemment que sa fonction se réduisait (à son corps défendant) à compter les « sortants ». Drôle de métier quand même ! Sortir… peut-être mais au moins proprement. Des DRH essayent de sauver la casse, réfléchissent à cette réhabilitation du nous… pas facile… d’autant que des DRH voyous aux ordres, spécialistes des montages de dossiers, plus ou moins tordus, pour éjecter le personnel, de préférence féminin, c’est une aussi mode… comme toutes les modes souhaitons qu’elle passe… Un jour, je vous raconterai une histoire... patience...
Ne pensez pas que je m’éloigne du livre de Debray, l’auteur explique que la fraternité, ce n’est pas un passeport pour le bonheur ! L’économie individualiste ne peut pas tout, l’autre monde que l’on nous promet un jour accouchera dans la douleur… peut-être qu’il sera plus fraternel dans le sens sacré du terme ! Mais Debray nous met en garde, le monde, le nouveau monde dans lequel nous allons entrer sera « carnassier ». Il faut le savoir. Il faut le prévoir. Il faut s’y préparer. « Il y aura une heure de pleine fraternité, comme il y a une heure de plein midi (Victor Hugo) ». Debray nous invite juste à nous préparer à cette minute de fraternité…
Fraternité, c’est aussi une bonne transition avec le livre de Jean-Pierre Corniou (Le web 15 ans déjà… et après, Dunod, 200 pages). Quel lien entre fraternité et Internet. A première vue aucun… enfin… un besoin d’échanger, d’avoir le sentiment de participer à une nouvelle communauté, de se créer une nouvelle famille. L’auteur explique avec des mots simples (rare pour Enarque) l’évolution de la toile depuis quinze ans. En lisant tout cela, je me suis dis « 15 ans déjà ! ». J’avais l’impression à chaque page que c’était hier… et pourtant… on ne connait pas encore toutes conséquences de cet outil intrusif dans nos vies. C’est ce qui est passionnant dans ce bouquin, l’avenir est ouvert. Bien sûr JP Corniou nous met en garde contre des dérives. Mais il faut là encore s’y préparer. Que sera Internet demain, l’auteur donne des réponses (elles son dans le livre), mais ce qui est frappant c’est qu’Internet c’est un peu comme l’économie mondiale : tout le monde ressent la nécessité d’une nouvelle gouvernance, ou d’une gouvernance tout court. Ce sont les enjeux d’Internet demain, que restera-il dans 15 ans du livre de Corniou. En 2024 , le lecteur se dira : il nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Et ma petit clémentine qui aura 22 ans me dira « dis donc c’est pas un peu ringard tes bouquins sur Internet ? ».
Wait and see…