Follow the yellow brick road (or die)

Publié le 27 mars 2009 par Uninfirmier

Un hôpital, c’est un peu comme un décor de cinéma. Il y a l’accueil, des géraniums, quelques portes avec des mots comme "consultation" pour faire bien. Mais si vous prenez la 4ème porte au lieu de prendre la 3ème, tout s’effondre. On voit la face cachée, les poutrelles, les projecteurs et le gars qui passe la cireuse. Car un hôpital, ça n’a jamais été conçu pour les patients. Ni pour les soignants d’ailleurs. Un hôpital, ça obéit à une espèce de logique interne que personne ne peut entrevoir dans sa globalité. Sauf peut être le gars qui passe la cireuse.

Patients, étudiants divers, quand vous voyez des soignants aller d’un point A à un point B d’un air décidé, sans aucune hésitation, sachant tirer-pousser les portes sans se tromper, vous vous dites qu’ils sont super forts. Et que vous aimeriez bien être comme eux.

Détrompez-vous, ces gens-là ne sont à l’aise que sur quelques trajets prédéfinis, mémorisés au cours de longues années de va et vient routiniers. Ca fait 23 ans qu’Odile fait le chemin du Service de Médecine B vers le labo de biochimie. Vous pensez donc qu’elle les connait, les portes à tirer et celles à pousser. C’est même elle qui, un jour de grande bonté, a scotché devant l’entrée de son service: “Ici, ce n’est pas la Médecine A”. Sans donner bien sûr la moindre indication sur l’emplacement de la Médecine A.

Faisons une expérience. Vous voyez cet infirmier, qui arbore fièrement son pyjama jaune poussin entre la réanimation et le scanner? Voyez comme il a l’air sûr de lui, avec son 4 couleurs, son rouleau de sparadrap rouge et sa pince Kocher. Bien. Bandez-lui les yeux, montez-le d’un étage et partez. Cinq minutes plus tard, vous retrouverez l’infirmier au même endroit, en position fœtale au milieu du couloir en train de hululer. Il n’a plus sa trace olfactive, il est paumé.

Une fois n’est pas coutume, voici quelques photos permettant d’illustrer mon propos:

Ca y’est. L’erreur fatale. Porte de gauche au lieu de porte de droite. Le côté obscur de la Force, avec les tuyaux, le lino, les chariots de bouffe, les poubelles et les gars en bleu qui réparent des trucs avec d’autres trucs.

Et accessoirement le couloir le plus long jamais emprunté par mes sabots. Le couloir le plus chic, aussi, grâce aux fresques murales seventies d’une grande beauté.

Aucune signalétique, bien sûr, le gars qui passe la cireuse sait où il est. A moins que les fresques soient en elles-mêmes une sorte d’indication conceptuelle, je vous laisse en juger.

Bon, je suis mauvaise langue. La signalétique était là, devant mes yeux. Probablement constituée au fur et à mesure des errements de chacun. A quoi bon payer des professionnels alors que chacun peut participer avec son marqueur?

Du coup, alors que je pensais sérieusement  m’installer tranquillement en position fœtale en attendant qu’on me trouve, je peux me diriger d’un pas alerte et professionnel vers un service, et peut être, peut être vers une sortie.

La sortie, la voilà. A un petit détail prêt.

“Interdiction d’ouvrir la porte, présence de vide derrière. Risque de chute”

Mouais. J’ai super envie de me barrer, certes, et se défenestrer directement sur une réanimation chirurgicale est plutôt séduisant, mais finalement non.

"Il se moque, il se moque, mais est-ce qu’au moins il a une solution pour ne pas se perdre?"

Ah mais moi je raconte juste des histoires, Madame. Si les gens ne se paument plus, sont gentils, polis et psychologiquement équilibrés je suis bien embêté pour mon blog. Je n’ai donc absolument aucun intérêt à trouver des solutions à quoi que ce soit.

De toute façon il n’y a aucune solution. L’hôpital est plus fort que vous. Vous avez rendez-vous Pavillon Myosotis, secteur jaune, pôle B, entrée C3 puis 2ème porte à gauche? Position foetale.

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