Je la vois tous les jours, je n'vais pas à côté ; elle est avec sa bière ou avec un café, des fois avec un type qui ne désarme pas, qui la travaille encore sans bien savoir pourquoi.Dominique A, Tout sera comme avant.
Elle se tient, elle a l'air de tout enregistrer et de se laisser faire, elle dit oui sans compter, elle dit oui, mais bientôt elle est seule à parler et c'est à ce moment qu'elle semble s'éveiller, elle parle à des gens qui ne sont pas là.
Je n'ai jamais pensé l'aborder, le matin on ne pense pas à ça, je suis toujours surpris de la voir là comme si ça n'était pas rituel, comme si l'habitude n'avait pas de prise sur elle. C'est elle qui est venue à moi, me demander si elle pouvait s'asseoir un matin, à côté ; j'ai vu de près ses yeux qui souriaient, ses ridules, ses beaux cheveux plaqués et d'emblée elle m'a dit : "Je parle à des gens qui ne sont pas là".
"Si je dois faire le compte de ceux qui restent en moi, si je m'arrête à trois, trente vont débarquer et ne partiront pas avant d'avoir causé, tous ces gens qui n'savent pas que je les ai quittés...
... Je n'les ai pas quittés, mais je n'le savais pas et ça les amusait, ils étaient bien en moi, et il faut leur parler, à tous, un mot gentil, et il y en a assez pour causer toute la vie : je ne parle qu'à des gens qui ne sont pas là"
Elle m'a dit qu'avec moi, c'était facile pour elle, que je n'étais pas là, et c'était pain bénit un corps comme le mien avec toute cette absence, un sexe avec des mains bâti sur sur du silence, un édifice désert, facile d'y entrer, facile d'y revenir, et facile à quitter, quelqu'un à qui parler même quand il n'est pas là puisqu'il n'y était pas quand on l'a rencontré.
Elle ne parle qu'à des gens qui ne sont pas là. A ceux qu'elle ne voit plus et ceux qui sont comme moi.
Elle ne parle qu'à des gens qui ne sont pas là. A ceux qu'elle ne voit plus et ceux qui sont comme moi.