il : crâne semi-rasé du centimètre invisible sauf lumière discrète qui se reflète, cheveux clairs et reflet or, profil jeune et œil miné, hache la tête sur le reflet des parois d’en face, glisse les yeux sur la vitre à gauche, son crâne hoché menu rythmé sur la musique interne, écouteurs secs enfoncés contre et tympans brusqués, frappe du genou fort sur sol tendu, remue mâchoire en fonction des lyrics explicites et articule les mots sans dire, porte jean large et veste kaki des treillis déguisés commercial, sac bourré entre les malléoles et Van’s raclées par terre, sent propre des fringues sans tabac, voit dehors s’articuler les gares qui s’écoulent, les panneaux qui s’embranchent, sort ses billets SNCF destination E. qu’il vérifie compulsif à la lueur du poignet brusqué, range ses billets dans la pochète foutue, trouve dehors encore, attend les gares suivantes, me tape sur l’épaule finalement, écouteurs hors champ, savez-vous, savez-vous, dit-il, si c’est bien le bon, le bon train pour E ?
type bras ballants autour et bandeau bleu sur le front et la nuque, oreilles plaquées rugbyman par dessous, survêtement bleu le long et veste remontée jusqu'au col et adidas noires du siècle d'avant, il tend dans sa main (gauche) l'écuelle d'un chien rouge tatouée marqueur « s'il vous plaît aidez-nous », il la tend dans sa main (gauche) aux clients qui émergent, le dégoût en travers de la face ou bien la main tendue déjà pour y lâcher quelques pièces jaunes quand il y en a, rouges si la crise pèse, il la tend dans sa main (gauche) et de la droite il caresse mou le chien vautré qui roupille entre ses pieds, posé soyeux sur une serviette trop mauve et valise calée au sol, pavé noir des trottoirs de Paris, le chien par dessus le dos mâchouille un pull rouge qui le moule bien au corps et les pattes avant étirées comme si, comme si au fond l'on se prélassait devant Gosselin, boulangerie estampillée « Fournisseur de l'Elysée », voilà, comme si, vraiment, et d'ailleurs c'est le cas, la vitrine aux lettres dorées brillent, c'est bien le cas
Greg Pratt le dos posé sur la rambarde et ses pieds blancs comme dans un ascenseur
elle, elle devant qui s'agite sur le bloc-notes retourné, elle d'abord qui fixe au loin dans le fond du wagon qui traîne, un peu trop peut-être mais ne remarque pas, elle ne remarque pas, non, la lenteur de la carlingue et le retard sur les horaires qui auraient dû être, elle qui griffonne et son stylo bic entre les dents des fois, elle qui voit dehors les arbres couler, elle qui jette un œil, souvent, mais ne regarde pas vraiment, elle, elle qui aurait pu être il mais qui n'est pas, elle et des faux airs de Charlotte Gainsbourg un peu, dans sa façon de ne pas voir peut-être, et cheveux bruns reflets bleus attachés derrière une queue de cheval, elle et les mains parfaites posées sur le noir du bic, le papier noirci, elle qui lève le nez en fonction des mouvements des autres, elle qui, elle qui, celle qui croque, au fond, comme moi sauf que sur papier, elle, celle qui enchevêtre les visages tellement les uns dans les autres qu'au fond on ne sait pas, on ne sait plus, où qui se trouve, et moi non plus, devant elle, mon faux bouquin sur les genoux à faire semblant de lire pour mieux la voir elle, je ne sais pas où je suis, ni si je suis quelque part, sous le bic là-bas, entre ses mains à elle, et dans son croquis vraiment
transsexuel qui lit Les détectives sauvages par dessus mon épaule puis descend ouvre la porte des toilettes embarquées qui ne s'ouvre pas force un coup puis deux puis renonce s'écarte disparaît dans le mystère indicible de l'étage du dessous