Mots clés énergies
Je m’appelle Benoît Kubiak. J’ai travaillé 6 ans dans le domaine du développement durable pour une collectivité publique avant de partir en voyage en 2008 (voir le site du voyage : http://avenirclimat.info). Durant 8 mois j’ai rencontrés en Europe et au Moyen-Orient les témoins du climat, celles et ceux qui luttent quotidiennement contre le changement climatique. En 2009, je pars en direction de l’Asie pour plus de 12 mois. Cette année, en plus de mes reportages hebdomadaires, je prépare un film documentaire avec Purvi Makwana, une activiste indienne, sur la centrale thermique de Dahanu, à 120 km au Nord de Bombay.
J’ai écris ça sur la lancée de ma journée de travail avec Dorothée Adam avec qui je travaille sur la réalisation d’un film documentaire. Volontairement, je ne cite aucun chiffre.
Avant la lecture de la suite de cette note, merci d’oublier les visions misérabilistes de l’Inde des mendiants et des dalits ou des femmes, le pays est aussi en pointe dans l’informatique, la sidérurgie, la culture du thé ou la recherche spatiale…
La production d’électricité
Si le sujet de mon projet de film documentaire est la centrale à charbon de Dahanu, le thème général est la production d’énergie électrique : quel futur pour la production d’électricité dans un pays en plein développement qui comprend 1/6 de la population mondiale ? Si on met de côté le nucléaire, qui présente toujours un risque majeur en cas d’accident ou de guerre nucléaire avec les pays voisins, et le pétrole ou le gaz, ressources en voie d’épuisement, il ne reste que le charbon comme principale source d’énergie.
Paysage à Dahanu.
Le problème du charbon
Le charbon est une source d’énergie très polluante, en poussière mais surtout en gaz à effet de serre (CO2, SO2, NOx). A proximité de la centrale de Dahanu, la température de l’eau à augmenté à cause du système de refroidissement, faisant fuir les poissons et les homards. Les pécheurs Mashi risquent de ne plus pouvoir survivre sur place.
Le charbon reste la principale source d’énergie, facilement exploitable et transformable. Les questions qui se posent sont de produire avec un « charbon propre » et d’appliquer le scenario négawatt.
Pour une justice climatique.
Je pense qu’il y a le problème de la corruption ou au moins du fonctionnement de la justice au niveau local. Les actions menées par les avocats de l’association ne semblent pas porter, et les décisions de justice pas ou mal appliquées. Les puissants (le milieu industriel) s’opposent à la limitation de leur activité, invoquant un risque nul ou faible pour l’environnement.
Les indiens ont un droit au développement, pour garantir un accès aux services de base. Près de la moitié de la population indienne n’a pas accès à l’électricité. Du fait de la variabilité des moussons, les centrales hydroélectriques ne peuvent pas toujours fonctionner à plein régime, je l’avais noté lors de mon passage dans un orphelinat dans le Kerala. Il y a donc un besoin, dans l’absolu, de développer la production d’électricité en Inde, ne serait-ce que pour garantir les besoins essentiels.
Les pays du Nord ont une dette écologique envers les pays du Sud, dont les ressources naturelles et humaines ont été exploitées aux bénéfices du développement des anciens pays colonisateurs, la Grande Bretagne dans le cas de l’Inde, ou le Portugal dans la zone au Nord de Dahanu. Les pays du Sud sont maintenant pollués par leurs déchets, notamment les gaz à effet de serre.
Entrée de la centrale thermique de Dahanu
La fausse solution du « charbon propre »
Le « charbon propre » est une solution technique qui vise notamment à séquestrer le gaz carbonique émis lors du processus de fabrication de l’électricité. Ce gaz pourrait être capté pour être ensuite enfoui sous terre. Les émissions de GES des centrales à charbon seraient donc réduites et compatibles avec les objectifs de lutte contre le changement climatique. Les contraintes élevées en termes techniques et financiers font que seuls quelques projets pilotes ont vu le jour actuellement.
Les écologistes critiquent les tenants du « charbon propre », Al Gore en tête, je me rappelle (si j’ai bien compris son anglais lors de ma participation à la COP14 à Poznan !) de son encouragement en direction des jeunes pour le blocage des projets de construction de nouvelles centrales à charbon aux USA. Selon les écologistes, c’est un cache-misère technologique, au même titre que le nucléaire, et proche du concept d’offset du marché carbone, qui consiste à acheter des permis d’émissions de GES pour arriver à un bilan final neutre en carbone.
Ces solutions sont dans la droite ligne de la logique économique libérale qui permet de développer des outils financiers et des marchés nouveaux sans remettre en cause les modèles de production actuelle. Il n’y a pas de diminution finale des émissions de GES selon les premiers bilans.
Le scénario Négawatt comme alternative
Développé dans le monde occidental à la suite du rapport « pour une croissance zéro » du club de Rome, le scénario Négawatt propose en 3 points une démarche pour diminuer les émissions de GES.
1. diminuer la consommation d’énergie,
2. développer l’efficacité énergétique, en produisant mieux avec moins d’énergie,
3. développer les énergies renouvelables, pour avoir un mix énergétique avec un poids de plus en plus faible des énergies fossiles.
Diminuer la consommation d’énergie
Chez les indiens, pas de chauffages électriques comme en France, mais recours importants à la climatisation. Il y a un problème de surconsommation électrique, mais aussi de pollution de l’air intérieur du à des filtres encrassés.
Diminuer la consommation industrielle, plus consommatrice que les autres secteurs économiques, est un enjeu majeur. Encore une fois, dans un pays en plein boom économique, le besoin en électricité va être croissant, mais l’utilisation de cette énergie peut ne pas être justifiable si l’Inde suit un modèle de société de consommation à l’occidentale. On retrouve alors les mêmes schémas de surconsommation et de gaspillage.
Développer l’efficacité énergétique
La centrale est certifiée ISO 14001 et 9001, et ses émissions sont contrôlées. Elle est citée en exemple au niveau mondial pour son rendement énergétique. Mais l’association de protection de Dahanu insiste sur les pollutions résiduelles : augementation de la température des eaux cotières du au système de refroidissement, cendres...
En Inde, les néons et ampoules à basse consommation sont la norme, contrairement à la France. Mais les ONG (CF. campagne en Inde de Greenpeace) font encore des campagnes pour que les ampoules à incandescence soient interdites.
Est-ce que le développement des voitures électriques est une solution ? Les voitures comme la mini Tata Reva, évitent la pollution chimique et sonore des villes mais ne font que repousser la pollution vers les centres de production comme la centrale de Dahanu.
Développer les énergies renouvelables
Il faut dissocier la production d’énergie pour l’électricité ou la chaleur.
La méthanisation (compostage de déchets organiques) ou les foyers améliorés (utilisant le charbon ou le bois) permettent de cuisiner avec une source d’énergie renouvelable et un meilleur rendement qu’un foyer ouvert, mais ne sont pas une alternative pour diminuer les besoins et limiter la production électrique provenant de la centrale de Dahanu.
L’énergie renouvelable utilisable chez les particuliers est principalement le solaire avec des panneaux photovoltaïques. C’est une solution coûteuse (panneaux et batterie, plus maintenance). La méthanisation pour la production d’électricité peut être une solution, comme la micro-hydraulique si elle ne détruit pas les écosystèmes des rivières. Le micro-éolien serait aussi une solution.
Les hydroliennes, fermes éoliennes ou solaires peuvent être des alternatives valables de production électrique à un niveau industriel.
Mode de production d’électricité
Il y a un débat de fond sur les modes de production individuels ou à plus grandes échelles.
La production à grande échelle d’énergie électrique n’est possible qu’avec des capitaux conséquents et implique une organisation industrielle avec les mêmes travers que la production à partir d’énergies fossiles comme le pétrole ou le nucléaire : centralisation des moyens, transport de l’électricité sur de grandes distances avec des pertes en lignes, groupement capitaliste ayant intérêt à produire toujours plus, manque de transparence et de démocratie…
La production d’énergie à domicile ou pour un réseau de proximité implique directement le producteur-consommateur et l’amène à limiter sa consommation. Il est plus responsable. C’est un autre système politique, décentralisé, qui donne plus de liberté et des responsabilités aux citoyens.
Campagne de Corpwatch aux Etats-Unis.
Education et sensibilisation
L’éducation et la sensibilisation restent des enjeux majeurs. Ils permettent d’agit à tous les niveaux : producteurs et consommateurs, preneurs et donneurs d’ordres, industriels et particuliers, politiques… Il serait également plus facile à une population plus éduquée de s’organiser et de revendiquer ses droits face à l’une des plus grandes entreprises indiennes.
D’où l’objet du film ! A suivre sur http://avenirclimat.info.
Benoît KUBIAK