Très vite (dès le lendemain), les medias divulguent qu'il s'agit d'un conflit interparental au sujet de la garde de la petite Elise, puisque c'est ainsi qu'elle se nomme, la France entière est au courant. La femme qui l'a enlevée n'est autre que sa mère russe, qui dispute le droit de garde d'Elise au père français. Elise serait en Suisse. Non, en Russie. Non, en Suisse. La traque a lieu presque en direct, d'informations contradictoires en rumeurs diplomatico-policières.
Malaise. Depuis quand déclenche-t-on une alerte d'une telle ampleur pour une affaire privée malheureusement banale, un drame familial comme il s'en déroule des centaines chaque année? L'enfant ne semble pas en danger de mort.
L'emballement ne cesse pas pour autant. Toute la France suit les supposées tribulations d'Elise, de TF1 à la presse la plus sérieuse (Le Monde n'est pas en reste, entre parenthèses). A l'AFP, c'est la surchauffe. Pas moins de 13 dépêches pour la seule journée du 21 mars. Nous voici les voyeurs d'un déplorable déchirement familial, et les spectateurs d'un dérapage médiatique de plusieurs jours. Les autorités judiciaires ont lancé un mécanisme qu'elles ne peuvent arrêter, et qui sans doute arrange bien le père d'Elise, qui médiatise ainsi son oeil au beurre noir dans l'espoir d'être mieux soutenu pour récupérer sa fille.
C'est le revers de la médaille de ce genre de dispositif. A le déclencher de manière injustifiée, on décrédibilise les alertes à venir (bien que le ministère de la justice s'en défende). Si j'étais parent d'un enfant disparu, j'apprécierais qu'on mette tout en oeuvre pour le retrouver. Mais à force de crier au loup, nombreux sont ceux qui risquent d'écouter d'une oreille plus distraite, la prochaine fois qu'un enfant disparaîtra.