Richard Rahn a publié dans le Wall Street Journal du 18 mars 2009 un article dans lequel en tant qu'Américain il défend les paradis fiscaux. Le Cato Institute a reproduit ( ici ) cet article.
Richard Rahn commence par dire :
"If the government suddenly said you would incur more onerous and expensive tax regulations and reporting requirements if you moved your business to a low-tax state such as Texas or Florida from a high-tax state such as New York or California, you would be justifiably outraged. Now substitute Switzerland and Bermuda for Texas and Florida, and France and Germany for New York and California, and you'll understand a new form of "tax protectionism" that is infecting Washington.""
"Si le gouvernement disait soudainement que vous encourriez une réglementation fiscale plus élevée et plus étendue et des contraintes administratives pour déménager votre entreprise d'un état à forte fiscalité tels que New York ou la Californie vers un état à faible fiscalité tel que le Texas ou la Floride, vous seriez à juste titre indigné. Maintenant remplacez le Texas et la Floride par la Suisse et les Bermudes et New York et la Californie par la France et l'Allemagne, et vous comprendrez le nouveau protectionnisme fiscal "qui infecte Washington"."
Puis il expose comment ce nouveau protectionnisme s'exerce : il s'agit de rendre plus coûteux pour des sociétés américaines de faire des affaires à travers le monde et d'investir n'importe où; corrélativement il s'agit de rendre plus difficile l'investissement de sociétés étrangères aux Etats-Unis.
Comment ?
Par exemple, le sénateur Carl Levin, bien connu ici en Suisse pour être le pourfendeur - et peut-être au final le tombeur - d'UBS, se propose de le faire grâce à un salmigondis d'augmentations d'impôts, de réglementations supplémentaires et de pénalités infligées aux contribuables américains qui ont la malencontreuse idée de vouloir faire des affaires dans des pays à faible fiscalité :
"In addition to charges of tax evasion, some members of Congress — echoing European politicians including France's President Nicolas Sarkozy and British Prime Minister Gordon Brown — have even tried to scapegoat the low-tax jurisdictions as somehow being responsible for the global recession. They are demanding that the G-20 countries come up with action proposals against them at their meeting next month."
"Parmi les accusations portées contre l'évasion fiscale, certains membres du Congrès - faisant écho à des hommes politiques européens comme le Président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown - ont même essayé de faire porter la responsabilité de la récession mondiale aux pays à faible fiscalité. Ils demanderont aux pays du G20 qu'ils fassent des propositions d'action contre eux lors de son sommet du mois prochain."
Richard Rahn trouve que c'est absurde. Ceux que l'on appelle des paradis fiscaux, pour la plupart, sont en réalité des lieux où transitent des fonds en attente d'être investis dans des projets productifs. La concurrence fiscale contribue à combattre le développement étatique. A contrario l'excès d'impôts et de réglementations décourage à la fois le travail - donc l'offre - et l'épargne - donc l'accumulation de capital :
"Those who demand increased taxes on global capital often rail against financial privacy and bank secrecy - forgetting they are necessary for civil society"
"Ceux qui demandent que le capital global soit imposé davantage s'insurgent souvent contre la vie privée financière et le secret bancaire - oubliant qu'ils sont nécessaires à la société civile"
Si tous les hommes ne sont pas des saints, il existe aussi des gouvernements tyranniques et corrompus. C'est le rôle des pays qui respectent les droits à une vie privée financière de protéger ceux qui vivent sous la férule de tels gouvernements. C'est une démarche imbécile que de multiplier les lois contre ce qui est déjà considéré comme illégal ou contre des gens qui essaient de se protéger de la rapacité et de la corruption de leurs gouvernements :
"Despite the hundreds of local, state and federal laws against financial fraud, and financial regulatory authorities like the SEC, Bernie Madoff was able to conduct the biggest ever Ponzi scheme for decades"
"En dépit de centaines de lois au niveau local, étatique ou fédéral contre la fraude financière, et d'autorités de régulation financière telles que la SEC ( Securities and Exchange Commission), Bernard Madoff a pu monter la plus grande chaîne de Ponzi depuis des décennies"
[ Une chaîne de Ponzi - du nom de son inventeur du début du XXème siècle - est une escroquerie où les gains sont inférieurs aux paiements ce qui conduit inévitablement au désastre financier]
Parmi ceux qui n'ont pas déclaré la totalité de leurs revenus à l'étranger, il y a - semble-t-il des personnages aussi respectables que le Secrétaire au Trésor d'Obama un certain Timothy Geithner... Richard Rahn se demande si la législation fiscale n'est pas trop complexe ou si la charge fiscale n'est pas excessive, ce qui expliquerait ces oublis. Il ne servira à rien de rendre la législation fiscale encore plus complexe et répressive.
Beaucoup d'économistes, dont le Prix Nobel Robert Lucas pensent que, pour améliorer la performance économique des Etats-Unis, où les impôts qui frappent les entreprises sont les plus élevés du monde, il faudrait éliminer tout ce qui est impôt sur les plus-values, les intérêts et les dividendes :
"Income is already taxed once, before it is invested, wether here or abroad; taxing it a second time as a capital gain only discourages investment and growth."
"Le revenu est déjà imposé une première fois, avant d'être investi, ici ou à l'étranger; l'imposer une seconde fois comme plus-value décourage l'investissement et la croissance".
Le plus beau est que les Etats-Unis n'imposent pas la plupart des dividendes, des intérêts et des plus-values réalisés par les investisseurs étrangers :
"Which means, ironically, that the U.S. is the world's largest "tax haven" for non-U.S. citizens."
"Ce qui signifie, ironiquement, que les Etats-Unis sont le plus important au monde des paradis fiscaux pour les non-Américains".
Les mesures préconisées par les Démocrates et le gouvernement vont avoir pour conséquences d'encourager les entreprises américaines à s'installer ailleurs, de décourager l'investissement étranger aux Etats-Unis, d'encourager les investisseurs américains à transférer leurs fonds en Asie ou au Moyen-Orient, qui ont tendance à se montrer moins coopératifs avec les autorités fiscales américaines que les places financières à faible fiscalité, qu'elles soient européennes ou britanniques.
Richard Rahn conclut - ce qui revient à prendre pour exemple les pays à faible fiscalité qualifiés de paradis fiscaux :
"The correct policy for the United States to follow is to reduce its corporate tax rate to make it internationally competitive, and to move toward a tax system that does not punish savings and productive investment so severely. We know from the experiences of many countries that reducing tax rates and simplifying the tax code improve both tax compliance and economic growth. Tax protectionism should be rejected because it is at least as destructive to economic growth and job creation as are tariffs on goods and services."
"La bonne politique à mener pour les Etats-Unis est de réduire son taux d'imposition des entreprises pour le rendre internationalement compétitif, et de changer son système fiscal de telle sorte qu'il ne punisse pas l'épargne et l'investissement productif aussi sévèrement. D'après les expériences de nombreux pays nous savons que réduire les taux d'imposition et simplifier la législation fiscale améliorent à la fois le respect de la fiscalité et la croissance économique. Le protectionnisme fiscal devrait être rejeté parce qu'il est au moins aussi destructif pour la croissance économique et la création d'emplois que le sont les taxes sur les biens et services".
Pour terminer par la Suisse, il faut tout de même dire qu'elle n'est pas le pays à aussi faible fiscalité que Richard Rahn imagine. Dans un article de 24 heures , daté du 21 mars 2009 ( ici ) , Elisabeth Eckert faisait un comparatif entre la Suisse et des lieux autrement paradisiaques, fiscalement parlant. Il n'en demeure pas moins que la Suisse est moins infernale que bien d'autres pays. Cela devrait, par exemple, se traduire par une meilleure résistance à la crise que les trois mauvais élèves que sont les Etats-Unis, la France et l'Allemagne...
Francis Richard