Bouclier fiscal, ou comment protéger les siens.
Chassant provisoirement la polémique sur l’insuffisance manifeste du plan de relance français, le sujet est enfin venu au centre des débats : l’iniquité et l’inefficacité de la politique
fiscale du gouvernement ont agité jusqu’à la "majorité" présidentielle. Quelques députés UMP ont cru bon de critiquer le bouclier fiscal. Les chiffres sont tombés : Quinze fois
moins de bénéficiaires que prévu, pour un remboursement moyen quasi doublé.
L’an dernier, quatorze mille foyers se sont vus restitués quelques 33 000 euros en moyenne. Pire, 834 d’entre eux se sont partagé 307 millions
d’euros, les deux tiers du coût du bouclier. Le gouvernement change son fusil d’épaule : le bouclier fiscal ne coûte pas grand chose, laissons les riches tranquilles ! Coté
évasion fiscale, la recette est pourtant maigre : la France a "récupéré" une petite centaine d’évadés en 2007. Nicolas Sarkozy a violemment critiqué ses contempteurs : "Je
n’ai pas été élu pour augmenter les impôts". Énervé par cette polémique, il a même commis quelques vrais lapsus, en expliquant mardi dernier que la suspension du bouclier fiscal bénéficierait aux paradis fiscaux. Nous aurait-on menti ? Le bouclier fiscal
ne devait-il pas bénéficier au plus grand nombre ?
Jean-François Copé lui a emboité le pas : "On a besoin des gens fortunés". Vraiment ?
L’iniquité fiscale se loge aussi ailleurs : primo, l’essentiel des impôts de
ce pays sont indirects (TVA notamment) et pas progressifs en fonction des revenus (et pour cause !) : combien pèse la TVA sur le budget d’un smicard ? Pourquoi donc les classes
modestes n’auraient-elles pas droit elles aussi à leur bouclier fiscal ? Deuxio, le bouclier fiscal "si mineur" coûte autant voire davantage que nombre de "petites
économies" réalisées sur le dos des plus fragiles qui, elles, restent toujours "essentielles" aux yeux du gouvernement : citons le nouveau calcul des allocations familiales
pour les foyers avec adolescents (138 millions d’euros par an) , les franchises médicales (600 à 800 millions d’euros par an), l’allongement de la durée de cotisations retraites (500 millions d’euros), ou la suppression de l’exonération de redevance audiovisuelle pour les retraités modestes (200 millions d’euros). Deux poids, deux
mesures !
Second sujet de débat, la défiscalisation des heures supplémentaires. L’entêtement du gouvernement est idéologique. C’est la mesure phare du mandat présidentiel, sa suspension, voire son
abandon, signifierait l’échec d’un programme, d’un slogan, d’un mandat. Pourtant, il est difficile de résister à l’épreuve des faits : cette défiscalisation permet aux entreprises de faire
travailler davantage les salariés survivant aux multiples réductions de personnel. Et pour les entreprises en chômage partiel, le dispositif ne sert à rien. Sur l’emploi, Sarkozy aggrave la crise. Cette mesure ressort telle qu’elle est : un instrument de précarité
sociale supplémentaire inefficace et coûteux.
Pour divertir l’attention, Sarkozy a sorti sa parade habituelle : la rengaine sécuritaire est
le sujet de prédilection d’une droite en mal de discours populaire. Samedi, Rachida Dati s’est ainsi souvenue qu’elle était ministre de la Justice : après des interviews presque apolitiques
au JDD et chez Europe1, puis une émission spéciale (diffusée prochainement) de "Vie Privée Vie Publique" chez France 3, on attendait la Garde des Sceaux
sur des sujets plus graves que ses états d’âme face à la pipolisation instrumentalisée de sa carrière. Si elle ne s’est pas exprimée sur Julien Coupat, en revanche, elle s’est scandalisée des propos des avocats d’Ivan Colonna samedi 14 mars, jugés
"inadmissibles" et qui "mettent gravement en cause l’impartialité de la justice". Puis, lundi, elle annonçait son projet de réforme de la justice des mineurs. Il est si mince en
mesures concrètes, qu’il fut oublié des commentaires médiatiques dès le lendemain. En voulant simplement réaménager les peines encourues par les mineurs (davantage de progressivité dans les
sanctions, modification "pédagogique" du vocabulaire pénal, et abaissement à 13 ans de la responsabilité pénale), la ministre a revu à la baisse ses ambitions
initiales.
Mercredi, Nicolas Sarkozy a pris le relais. Il a voulu focaliser l’attention sur les "bandes violentes". On a découvert que la fameuse DCRI, et ses fichiers multiples, ciblait ces 2 500 jeunes "organisés" en "222" bandes, localisées à "79%" en Ile-de-France. Sarkozy réintroduit le délit de "mauvaise fréquentation", incontrôlable, improuvable, mais désormais punissable. A part ça, il n’annonce rien de neuf : un nouveau fichier (il les collectionne), de nouveaux regroupements de forces de l’ordre, et des caméras supplémentaires. Sarko se comporte comme un chef de rayon qui communiquerait à grands renforts de publicité chaque fois qu’il change de place une boîte de conserve dans son magasin. Rares ont été les journalistes qui ont rappelé qu’il en a profité pour renforcer la police de proximité... celle-là même qu’il avait aboli en 2002 à son arrivée au ministère de l’intérieur. Après les hôpitaux et les palais de justice, voici les établissements scolaires qui seront "video-surveillés" et fichés. En Sarkofrance, on préfère la répression à la prévention. Sept ans après son arrivée au ministère de l’Intérieur, vingt mois après l’entrée en vigueur des lois Dati contre la récidive et les jeunes délinquants, qui dira à Nicolas Sarkozy que sa politique ne fonctionne pas ? Comme une provocation, des jeunes ont tabassé le principal d’un collège à Garges-lès-Gonesse le lendemain des annonces présidentielles. Et ce triste fait divers n’est pas isolé. Mardi soir, une trentaine de jeunes se sont amusés à faire peur aux passants en jettant des bouteilles sur la chaussée à Paris, près de Barbès.
Mardi, autre sujet, l’OTAN. Notre sécurité à l’étranger serait en danger. Sarkozy tient à ses symboles. Rejoindre le commandement intégré de l’OTAN en fait partie. C’est chose faite. Les députés UMP, acculés devant une menace de démission du gouvernement, ont voté le projet. Cela ne sert à rien, mais c’est symbolique.
La colère sociale bat son plein. Combien de heurts entre salariés et leurs dirigeants ? Mercredi, des
employés de Total ont occupé la raffinerie de Gonfreville l’Orcher, près du Havre. A Marseille, de violents incidents ont opposé une cinquantaine de salariés de l’Union Navale Marseille contre
leur directeur général. Le 19 mars, la contestation s’était déplacée dans les rues et les grèves.
Trois millions de personnes. La mobilisation a été plus forte que le 29 janvier dernier. Même la police a du le reconnaître, malgré ses chiffrages toujours aussi modestes. La claque est venue de la rue, les salariés du privé étaient plus largement représentés. Les syndicats ont réussi leur coup.
Le gouvernement Sarkozy s’est crispé jusqu’au bout. Mardi, Sarkozy traitait de démagogues ceux qui appelaient à la grève : "vous savez dans la crise, il y a
toujours deux discours, il y a les démagogues, qui ont désigné des bouc-émissaires, et il y a ceux qui doivent prendre des décisions, ... et moi, je dois prendre des décisions." Le gouvernement
avait choisi ce jour pour dépensé 2 millions d’euros de publicité dans la presse pour vanter ses mesures. Le jour même, le président a laissé son fusible Fillon aux commandes médiatiques. Le
monarque partait vite à Bruxelles rejoindre ses collègues européens. François Fillon a tenu son
rôle d’autiste, le soir même, au JT de Tf1. Il suggère d’attendre, et fustige les ... patrons sur le ’partage de la valeur’. Nouveau vacarme. Fillon, comme Sarkozy, joue à
Besancenot.
Diversion internationale
Jeudi et vendredi, Nicolas Sarkozy s’était donc réfugié à Bruxelles. Le président s’est bien gardé de souligner que le Conseil Européen a abdiqué sur le terrain de la lutte contre le
réchauffement climatique. Le sujet, initialement à l’ordre du jour, a été bien vite retiré : les chefs d’Etat de
l’UE n’ont pas prévu de statuer sur l’aide financière que l’UE proposera à ses partenaires dans le cadre des négociations internationales sur le climat à Copenhague. Les belles promesses du
13 décembre dernier ont été oubliées. A Bruxelles, Nicolas Sarkozy a tenu une conférence de presse "délocalisée." Il a fait les gros yeux contre les
patrons : "Visiblement, certains ont du mal à comprendre ce qu’on a dit. Quand il y a un plan social, des aides publiques, les bonus, plans, stock-options, rémunérations exceptionnelles
ne sont pas admissibles". En France, les dirigeants de la Société Générale se sont engagés vendredi 20 mars "à renoncer à lever"
les stock-options qui leur avaient été attribuées mercredi.
Catastrophe économique
La crise met la présidence Sarkozy à nu : c’est une politique de classe, pour quelques-uns, les plus riches du pays. Le pouvoir est contraint de lâcher quelques subsides à chaque contestation forte, mais il ne touche pas aux avantages qu’il a octroyé aux plus riches et aux employeurs. Les avantages fiscaux des premiers et les assouplissement du code du travail en faveur des seconds sont protégés. Sarkozy sait pour qui et pourquoi il a été élu.
Les retraités, salariés et chômeurs savent ce qu’ils leur restent à faire, dans le calme et la détermination.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?
Par Juan de Sarkofrance
dans http://www.betapolitique.fr/