"Hauts sont les monts", de Bernadette Engel-Roux (une lecture d'Henri Raynal)

Publié le 26 mars 2009 par Florence Trocmé

En Bernadette Engel-Roux, la montagne, assidûment fréquentée, depuis ses tout premiers recueils, est présente avec force. Grandiose et rudesse, ayant pris place en elle, exigent témoignage. Le ton de Hauts sont les monts, spontanément, serait porté à être épique. Le faste sévère des montagnes le veut. Aussi forte que soit cette inclination, elle n’est pas aisée à satisfaire, dès lors qu’il est question de la nature et non pas des hommes. Qui plus est, l’époque saurait-elle accueillir une parole épique sous les accents de laquelle la ferveur lyrique est plus forte ?

La difficulté sera merveilleusement tournée grâce à la fusion très intime de la célébration des hauteurs, des versants et des gorges, du minéral et des eaux bondissantes, avec l’évocation de l’ultime chevauchée de Roland. Halt sunt li pui, dit la fameuse Chanson : Hauts sont les monts. Oui, comme l’est le courage de ceux qui préfèrent la splendeur du monde à la vaine gloire des hommes. C’est pourquoi la même éloquence rauque, de semblables intonations, une unique voix, diront la vaillance des cimes, des abrupts, des torrents et celle, en leurs dernières épreuves, des hommes, éblouis, entre soleil et neiges. Le dire serre les dents. De dures allitérations se font entendre : La terre prodigieuse fait de la mort orage.

Dans une époque de dénigrement et de négation destructrice, B. Engel-Roux s’inscrit dans une lignée de poètes qui osent faire le choix du consentement, de la reconnaissance, voire de l’éloge face à la beauté, fût-elle sauvage et l’émotion dût-elle le partager, dès lors, entre l’enthousiasme et l’effroi. Partout la mort descend de sa ténèbre roche. La mort sonne nivôse au cœur de Charles. Dès lors, il importe plus encore que l’ultime parole soit moins un défi qu’un salut – Anges de l’Ebre, voici mon gant ! –, humble et altier, un hommage à une beauté étymologiquement magnifique, altier et humble car le verbe sait ne pouvoir être à la hauteur de ce qu’il lui a été demandé de faire voir.

Contribution de Henri Raynal

Bernadette Engel-Roux
Hauts sont les monts ( poèmes ), (présentation dans Poezibao a reçu)
éditions de Corlevour, 2008
14 €