La fusion administrative – bien amorcée – de l’emblématique Palais de la découverte et de la ludique et très grand public Cité des sciences et de l’industrie suscite l’inquiétude dans les (pas si) petits mondes de l’éducation, de la culture et de la vulgarisation scientifique. Il existe une vive crainte de voir disparaître de notre capitale ce que l’on peut appeler « l’esprit découverte ».
Car ce que le Palais revendique – depuis sa création en 1937 et plus encore depuis l’apparition du parc scientifique de la Villette – c’est une façon particulière de transmettre les sciences et, surtout, de susciter l’intérêt du public. Pas d’expos clinquantes sur les fluides corporels les plus rigolos, pas d’écrans tactiles, pas de Titeuf (et pas d’escalator non plus).
Mais, à toute heure, des conférences animées avec ferveur par d’authentiques passionnés, dont l’unique souci est de transmettre des connaissances. Transmission est bien le mot clef. C’est bien un humain – très compétent dans sa discipline – et non pas un panneau clignotant rédigé en trois langues avec qui vos interrogations entrent en interaction.
Replongeons dans l’ambiance de ces ateliers qui font le charme du lieu. Par exemple celui intitulé « Expériences à -193° », auquel nous avons assisté lors de la soirée de soutien.
Un ersatz de labo de chimie ; une paillasse qui fait face à trois rangées de banquettes – de quoi accueillir une classe. Cadre sobre dans lequel, vingt minutes durant, le conférencier explique “preuves” à l’appui des notions aussi abstraites que le point triple, les phases, le vide ou l’agitation moléculaire. Le « show », sans effets de manche, n’en est pas moins efficace et bouscule les a priori des non-initiés. Non, la phase solide ne flotte pas dans la phase solide, excepté s’il s’agit d’un glaçon d’eau ; oui, l’eau peut bouillir à 20°c. On est loin d’une science de foire et, en suivant le raisonnement méthodique, en trouvant aussi des réponses à chacune de ses questions, le spectateur (de 7 à bien plus de 77 ans) apprend et comprend.
Certes, on navigue dans un décor « années 80 » (1…980 ? 1…880 ?) qui aurait besoin d’un coup de frais. Certes, on ne touche pas aux derniers déploiements des disciplines les plus pointues. Sans doute pas non plus à la “science en train de se faire”. Mais avant d’aborder le fonctionnement du LHC, il faut comprendre ce qu’est un ampère, une bobine ou la loi de Lorenz… Et c’est cette transmission – vivante – des fondamentaux, trop facilement négligée, qui donne la saveur au Palais.
L’actualité chaude autour de la fusion des deux grands pôles de la vulgarisation scientifique à Paris pose enfin cette question : quelle place donner à quelle culture scientifique dans la culture en général ? Une interrogation fondamentale que résume bien cette intervention du physicien Alain Aspect, mardi dernier, lors de la soirée de soutien organisée au Palais de la découverte:
“La science, c’est d’abord du merveilleux, mais [dans] ce merveilleux, il ya matière à comprendre. Je ne voudrais pas que l’on oppose culture scientifique et culture en général. (…) Le fait que le Palais de la découverte se trouve à deux pas des Champs-Elysées, à deux pas des grandes expositions du Grand palais et à une petite marche à pieds du Louvre est absolument symbolique du fait que la culture fait un tout.”
B.G, J.P. et Florian Gouthière
Photo : Palais de la découverte