Plume et esprit aiguisés, François Hollande devenu chroniqueur sur le site Slate.fr, voit dans Nicolas Sarkozy, un président symbole de l’angoisse qui a envahi notre société. Une inquiétude qui se transforme en une défiance à l’égard du pouvoir. Selon le député de Corrèze, pour reprendre l’expression de Roger Gicquel, “la France a peur“.
“Elle (ndlr: la peur) touche toutes les catégories sociales. Je ne parle pas de cette infime minorité de nouveaux aristocrates qui redoutent de perdre leurs bonus, leurs stock-options ou leurs indemnités et qui s’accrochent au bouclier fiscal comme la noblesse de l’ancien régime à ses privilèges, mais des cadres qui découvrent la précarité, des commerçants, des artisans, des chefs d’entreprise qui vivent dans la hantise de la fin du mois, des employés, des ouvriers, qui ne savent pas si leur entreprise sera encore là demain. Et que dire des intérimaires sans mission et des chômeurs sans indemnisation ! Enfin, les jeunes qui sont les principales victimes de la crise et qui sont devenus une variable d’ajustement de la protection des générations plus anciennes.”
Particularité relevée de la situation actuelle, le fait que la crise soit planétaire ne relativise pas nos malheurs hexagonaux mais, à l’inverse, inquiète encore plus. François Hollande reprend une critique maintes fois formulée à l’égard du chef de l’Etat. Dans un monde où tous les repères disparaissent, le cyclone Sarkozy “a fait tellement tourner les têtes que le vertige a saisi jusqu’aux plus sages.” L’ancien leader socialiste stigmatise “une agitation désordonnée“, “une fuite en avant“, une “escalade de dispositifs de toute nature” et surtout “un pouvoir coupé des forces vives, décidant unilatéralement et dont le chef occupe seul la scène, (qui) loin de conjurer la peur, la convoque chaque soir à la télévision.“
Si Henri Guaino réfute toute responsabilité de son employeur, hier sur France Inter, il reconnaissait “une régression générale de la société vers une absence de règles“. Or, l’intervention présidentielle de Saint-Quentin n’a pas apporté les réponses espérées. Il y a pourtant le feu à l’Elysée. La journée de manifestation de jeudi dernier est particulièrement inquiétante pour le pouvoir présidentiel. La mobilisation massive observée dépasse le cadre de revendications très générales pour cristalliser un mécontentement général sur la seule tête de Nicolas Sarkozy.
Incapable d’esquisser une ligne directrice, le président s’est enfermé dans une stratégie du repli. Le choix du fief du secrétaire général de l’UMP, devant des militants de l’UMP, pour un meeting du président de tous les Français est symptomatique.
Le doute, ennemi suprême, touche les troupes présidentielles. Nicolas Sarkozy a donc repris une stratégie de campagne présidentielle. Convaincre son propre camp avant de tenter de regagner la confiance des Français. D’où un retour remarqué sur certains fondamentaux. Les notions d’effort, de travail, de mérite. L’aversion pour l’assistanat, l’égalitarisme.
Face à la pression populaire, le président reste droit dans ses bottes et assume, au moins officiellement ses réformes. Trop fin politique, Nicolas Sarkozy sait pourtant qu’on ne peut conserver une équipe qui perd. Le maintien du cap se fera au prix d’un changement des joueurs principaux. Il pourrait être fait appel à des valeurs sûres : Philippe Seguin, Alain Juppé. Mais, n’est-il pas trop tard ?
Dans la mémoire collective, Louis XVI a laissé un mauvais souvenir. Et pourtant, son règne a été marqué par de multiples réformes souvent importantes. A ce titre, les historiens ont une vue plus nuancée. Essentiellement celle d’un hommequi n’était probablement pas à la hauteur de la tâche herculéenne qu’aurait représentée une réforme de la monarchie. C’est bien la question que se posent aujourd’hui les Français à l’égard de leur président : est-il à la hauteur ? La réponse avancée par la majorité, “qui d’autre ?” ne saurait suffire.