En tant que doyen d’âge, Jean-Marie Le Pen, président du Front National, pourrait présider la prochaine session inaugurale du Parlement européen, s’il est réélu et si le règlement interne de ladite assemblée n’est pas modifié d’ici le scrutin de juin prochain.
La polémique – aisément compréhensible compte tenu de la personnalité de Le Pen – enfle dans les cénacles européens depuis quelques jours. Mais elle a donné aussi l’occasion au leader frontiste de s’illustrer à nouveau dans l’abjection.
Pourtant, il y a 23 ans, l’Assemblée nationale, en France, avait connu un évènement à peu près similaire.
En effet, en mars 1986, Le Pen accédait à nouveau au Palais Bourbon après trente ans d’absence, cette fois à la tête d’un groupe parlementaire de 35 membres.
Au sein de ce groupe figurait Edouard Frédéric-Dupont (1902-1995).
Le 2 avril 1986, ce vétéran de la politique, membre du FN (ancien RPR), présida la séance d’ouverture de la 8ème législature en raison non seulement de son âge, 84 ans, mais aussi de l’absence de Marcel Dassault (RPR), de dix ans son aîné.
N’allons pas toutefois en conclure que ce rappel a pour but de relativiser le risque réel de voir Le Pen présider la séance d’ouverture du Parlement européen après les élections.
D’abord parce qu’Edouard Frédéric-Dupont n’était pas Le Pen, bien qu’il fût membre de son parti politique (qu’il quitta toutefois en 1988 pour retourner au RPR suite aux multiples dérapages du leader frontiste sous la première cohabitation).
Ensuite parce qu’Edouard Frédéric-Dupont ne fit que lire le discours de Marcel Dassault.
Or, en cas de réélection, Le Pen risque tout simplement de lire du Jean-Marie dans le texte, depuis le perchoir du Parlement européen, avec toutes les outrances verbales et les provocations dont on le sait capable.
Ce qui, quoi qu’on en pense, n’aura tout de même pas la même portée nocive que le vieil Edouard.
L’Union européenne, née du désir d’un rapprochement entre les peuples du vieux continent après la seconde guerre mondiale, ne peut se permettre qu’un apologiste du nationalisme belliqueux se donne en spectacle.