Michel De Poncins, le 25 mars 2009 - La controverse en France autour des enseignants chercheurs, qui n’est pas terminée, permet de s’interroger sur la réalité et sur le devenir des universités françaises.
Le désordre s’est installé dans ces universités et nuit à la fois à l’enseignement et à la recherche. Les nombreux étudiants qui ne veulent pas être ralentis dans leurs études sont empêchés d’étudier sans que personne ne les protège.
C’est l’occasion, toutefois, pour les connaisseurs du dossier de se poser des questions sur le véritable travail de recherche des enseignants.
Les observateurs constatent que nombre d'entre eux ne cherchent pas avec une grande continuité ou, même, selon la rumeur, ne cherchent pas du tout. En témoigne la faible proportion des effectifs des enseignants du supérieur qui publient régulièrement dans les revues spécialisées les résultats de recherches qu’ils auraient faites : ce critère est admis généralement pour juger des résultats d’une activité de recherche.
Une enquête menée par la Mission scientifique, technique et pédagogique du ministère de l’Education nationale a révélé que 24 % des enseignants-chercheurs ne font partie d’aucune équipe de recherche et que parmi les 76 % restant, un quart (14 000 personnes) travaillant dans les unités de recherche n’ont pas publié dans les quatre années précédant 2007.
Peut-être, d’ailleurs, y-a-t-il tout simplement un problème monétaire. Payés relativement bien pour enseigner, ils le seraient moins pour leurs recherches dans la mesure où ils y travailleraient sérieusement ; il en résulterait la quasi obligation de se livrer à des activités de substitution, jusqu’à des activités de consultants privés !
Madame la Ministre Valérie Pécresse, en charge du dossier, cherche à donner de l’air aux universités françaises en les faisant progresser dans leur autonomie. A voir le succès à l’étranger des universités indépendantes, autonomes et souvent carrément privées, il est difficile de lui donner tort : observez les grandes universités américaines auprès desquelles les universités françaises font si pâle figure.
Certes, Madame Pécresse ne veut pas privatiser, cette solution étant difficile compte tenu du poids de l’histoire des universités en France. C’est dans cette recherche de davantage d’autonomie, qu’a éclaté le problème des enseignants chercheurs ; ils sont prêts très éventuellement à se soumettre aux directives des présidents d'université pour l'enseignement, mais pour ce qui concerne la recherche ils ne semblent pas prêts à l’accepter.
A juste titre, ils admettraient de se soumettre à certains contrôles mais sans changement majeur par rapport à la situation actuelle ; ce contrôle, pour eux, doit être centralisé et exercé grosso modo par leurs pairs. Nous nous trouvons donc devant une impasse.
Il faut regretter que Madame Valérie Pécresse n’ait pas, avant de lancer sa réforme, mieux analysé sa faisabilité compte tenu de certaines traditions françaises. Cela aurait évité ces grèves qui ne font qu’aggraver le problème global.
Il semble, en fait, que tout le monde soit bien d’accord sur la nécessité absolue de sauver les universités dont la situation est dégradée à tous égards et il est clair que le « modèle » français doit absolument évoluer.
Dans cette évolution nécessaire, l’on pourrait imaginer que certains présidents d’université pourraient recevoir de la marge pour rémunérer à leur juste prix les recherches, quitte à avoir un droit de regard, ce qui n’empêcherait pas une tutelle nationale. Bien entendu le droit de regard s'exercerait dans le cadre attentif du conseil d'administration. Il est probable que bien expliquée aux chercheurs, dont les talents sont indiscutables, une telle évolution serait bien acceptée, quitte à la faire reposer sur le volontariat.
Certes, il pourrait en résulter des différences entre les divers établissements allant jusqu’à une certaine inégalité. Qui peut cependant refuser une forme de différenciation, laquelle vaut mieux que l’égalité dans le désespoir et la médiocrité ?
Attendons pour voir si la raison va prévaloir autour des tables de négociations inévitables en telle occurrence.
Michel de Poncins est économiste.