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Tricot de mots, plus mortel que le GRR...

Publié le 25 mars 2009 par Lolocoop
Vu que j'ai été obligé par KiKi qui a lachement profité de mon intérêt pour la chose, à mon tour de vous tricoter quelques lignes du tricot de mots, une initiative rigolote de Sicotin, déjà passée par les mains de : Madame Lustucru-Bulles de Grenouille-La Môme Poison-Liliba-Servanne-Ces petits bonheurs-Dentelle et arsenic-Les Mots Partagés-Livres et vous, livres émois-Mama Cami-Un ange passe-Rouge Cerise-On va voir si je m'y tiens-Non mais des fois-Elle est toujours un peu à l'ouest-Couac-Refermer après usage-Un Arc en Ciel dans le Lavabo-Graines de Carotte-Les Bigorneaux-The Blog Around The Corner-Zelapin Kikoz...


et une fois ces lignes écrites à moi de désigner la prochaine victime qui va s'y coller, et nous pondre quelques lignes savoureuses, je verrai bien Claire dans cet exercice, je rappelle le principe, la vicime, fait un copier-coller, continue l'histoire à sa sauce et passe à son voisin tout en en informant bien sûr Sicotin, qui est la grande déesse du Tricot de mots...



Il était près de neuf heures lorsque Henri se gara sur le parking de la supérette d’Etretat.
Une fois le contact coupé, il resta encore un peu dans sa voiture, le temps que la chanson qui se jouait à la radio et qui le mettait de si joyeuse humeur se termine. Puis hop, dans un élan, il sortit.
Ses talons claquèrent en un bruit sec sur le macadam défoncé. Il huma l'air, s'emplit les poumons. Plus haut les mouettes riaient déjà. Il n'eut pas un regard pour les quelques clients qui attendaient l'ouverture du magasin accoudés à leurs caddies. Il se dirigea d'un pas guilleret vers l'arrière du bâtiment, dépassa un tas de palettes et entreprit de traverser le terrain vague.

Bien qu'il ait eu du mal à prendre sa décision, il était maintenant très heureux, soulagé, même, et ne pensait plus qu'à cette mission qu'il s'était fixé, espérant de tout cœur que les résultats seraient à la hauteur de son attente. Il arriva bientôt à l'extrémité du village, et s'arrêta un instant, émerveillé comme à chaque fois par la vision de la mer et du paysage grandiose qui s'étendait face à lui.
Alors, oubliant une seconde qu'il était attendu à neuf heures et huit battements de cœur précisément ! Une phrase de son ami Robert Sabatier lui monta à la gorge : " Si je pouvais écrire avec des algues, toute la mer tiendrait dans un seul mot. "
Son regard fixait la mer. S'accordant un peu de temps, son esprit se reposait au creux des vagues. Il ne voulait rien précipiter. Mais les minutes s'écoulaient. Il salua la mer et s'en alla au rythme du vent, q
uand tout à coup, au détour d’une pensée, il se retrouva les quatre fers en l’air ! Choc aussi violent qu’inattendu. Mille couleurs se précipitaient dans ses yeux. Des étoiles dans la tête, sonné, hagard, Henri tenta de se redresser. Il avait beau se concentrer, rien ne lui indiquait ce qu’il faisait là, allongé au sol, la caresse du vent pour seule compagne.

Il vit des visages déformés se pencher, ils ressemblaient aux gargouilles de la cathédrale. Corps inerte, les figures fantasmagoriques se multipliaient au-dessus de lui, obscurcissant le ciel. Les odeurs iodées se mélangeaient aux effluves nauséabonds de la mort.

Il lui sembla entendre une voix, puis deux, mais il ne parvenait pas à saisir ce qu'elles disaient. Émergeant peu à peu de son brouillard, il distingua plus précisément les visages penchés sur lui. Et c'est avec stupeur qu'il la reconnut.

Elle n'avait pas changé. Malgré le soleil dans ses yeux et ces visages au-dessus de lui qui s'approchaient comme des hyènes autour d'un cadavre et la dérobaient par instants à son regard vacillant il savait que c'était elle. Comment oublier ce visage ? Comment avait-il pu croire que tout était fini ? oublié ? Il se redressa sans peine, prêt à l'affronter enfin.

Lorsqu'il fut bien campé sur ses deux pieds, Henri serra les poings, mobilisa toute son énergie, paré à l'affrontement, et eut tout à coup l'impression que sa volonté et son courage s'en trouvaient décuplés. Que n'avait-il souhaité qu'un tel élan l'emporte, toutes ces fois où il s'était senti si misérable, si pathétique face à cette femme... Mais rien, jamais, n'était venu le galvaniser comme aujourd'hui. Tandis qu'ici, et maintenant, plus de vingt ans après les événements, on allait voir, enfin!, qui était le plus fort.
Il ne pouvait pas en être autrement, foi d'Henri !

Pourtant, ce n'était pas ce qu'il avait prévu pour aujourd'hui... Rien n'aurait dû se passer comme ça, il était de bonne humeur ce matin ! Pourquoi fallait-il toujours qu'elle surgisse sans crier gare, comme si elle prenait un malin plaisir à toujours tout gâcher ? Déjà, alors qu'il était petit, elle avait le don de mettre fin à ses rêves... Il leva le poing et ce simple geste lui remit immédiatement en mémoire l'invraisemblable, l'irrémédiable - Pas encore mortifié, surtout enivré par la quantité d'adrénaline qui circulait encore dans ses veines, qui lui avait valu cet évanouissement - cette petite mort - qui lui avait aussi permis de passer à l'acte, puis de conduire d'une traite de Toulon à Etretat, d'un port à l'autre, d'une mer à l'autre. Pour la retrouver là.

Ses idées étaient claires maintenant, et il n’allait certainement pas tout gâcher avec une bagarre de terrain vague. Il avait un autre programme. «Suis moi» . C’était tout, sauf une invitation à une randonnée pédestre sur la falaise. Curieusement, il n’eut pas besoin de lui prendre le bras pour la faire monter dans sa voiture. «On va dire bonjour à René, ça fait longtemps.» La route était toujours aussi belle, mais il n’en vit rien, occupé à surveiller la vieille. Il fut juste un peu surpris d’arriver aussi vite au Havre. La ville avait peu changé, et il retrouva facilement la route du port.

Elle était toujours aussi déserte, aussi put-il se garer sans manœuvre, juste devant le troquet.  Avant même d'y entrer, il fut déçu car ce n'est pas René qu'il vit derrière le bar, à travers la porte vitrée, mais sa femme. Le regard de la vieille s'éclaira. Il ne put faire demi-tour car,  au tintement du carillon accroché à l'entrée des lieux, tous les habitués et même la patronne avaient tourné la tête vers eux.
Bonjour, Simone, marmonna-t-il sans enthousiasme. Il n'avait jamais aimé cette vieille commère - n'avait jamais compris comment René pouvait s'accommoder d'un tel poison.

Poison était d'ailleurs le mot approprié. Les gens avaient beaucoup jasé sur la disparition aussi précoce qu'inattendue de son premier mari au seuil de sa trentaine toute neuve. Et les années qui suivirent où Simone fut hébergée par la vieille, avant qu'un malheureux hasard ne mette René sur sa route, n'avaient fait qu'aigrir une personnalité déjà peu aimable. Ces deux-là avaient dû ourdir bien des complots... et à cette idée Henri sentit monter une bouffée de rancœur.

Évidemment c’était à prévoir, à chaque fois qu’il s’était imaginé confronté à ses fantômes, tout s’était passé bien différemment. Il était alors bien plus fort, sa bouche moins pâteuse, il abattait tous les obstacles, obtenait ce qu’il était venu chercher… Il sentait confusément que les choses ne seraient pas si simples et que toute sa détermination n’y changerait peut-être rien.

La vieille fit un signe de la tête. Simone posa son tablier sur le zinc. -Salut Henri ! ça fait une paye qu'on t'a pas vu dans le coin...- Henri la suivit sans mot dans l'arrière cuisine. -René s'est tiré...- Henri esquissa un sourire. Il savait... ils allaient reprendre du service. Ses pensées remontèrent vingt ans en arrière. Simone, René, Henri... Juliette. C'était elle. Neuf heures et huit battements de cœur...comment avait-il pu douter? Demain ils seraient réunis. Simone sortit une enveloppe de l'antique buffet. -Lis!-  René a laissé ça pour toi.

Henri,

Raoul est de retour -stop- j'ai dû me caleter de chez la vieille -stop- j'le file depuis 1 mois -stop- il se planque chez le Mexicain -stop-

C'était presque trop simple, mais pour une fois que tout s'emmanchait bien, il n'allait pas la ramener.
Il obtint de Simone un "irish breakfast"  façon "Tambouille".
L'explosion de la devanture ne lui laissa pas le temps d'en profiter,
Défonçant la porte de service du pied (cadeau bonux pour la taulière; de toute manière, l'expert devrait passer pour l'entrée), Juliette en bandoulière, il n'eut qu'à cueillir sur le parking l'alfa roméo de ces crétins.
Le mexicain. C'était pas la porte à côté, mais il n'avait jamais été contre un peu de tourisme.

"Fils de pute". Juliette ne se débattait plus mais grommelait encore quand ils s'engagèrent sur l'autoroute à vive allure. Il était habitué à son sale caractère et puis c'était elle qui était venue le chercher. Ils partagèrent  en silence le café qu'elle tira d'un thermos sorti du fond de son sac, puis elle lui remit ses nouveaux papiers d'identité : passeport, permis de conduire international, visa en règle. "Arrête-toi à la station service, faut que tu te change maintenant. Apprend tes nouvelles coordonnées par cœur et détruis le mémo. Pour le reste, tu connais la procédure". La vieille, toujours aussi professionnelle... Il baissa les yeux sur le passeport et sourit en découvrant son nom. Ils ne lui épargnaient donc rien ?

Henri sortit de la voiture, alluma une cigarette, et jeta un oeil autour de lui, ici, c'était la station service, la plus glauquee de tout l'ouest, un coin café toilettes embaumant le désodorisant bon marché à la rose de synthèse, un type mal rasé et mal embouché tentait de rentrer une pièce dans la machine à café tout en jurant entre ses dents... Et maintenant quelles options ; tout arrêter et repartir pépère, comme si  de rien n'était, ou foncer et accomplir cette dernière mission, mission à la con, mais un peu de fun avant la préretraite, ça lui bougerait les neurones, et il n'avait jamais su resister à Juliette...

Donc puisque c'est à moi de désigner une victime, j'ai choisi, Claire, la maman des poisson, à toi ma belle de nous faire profiter de ta prose...


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