Quinze ans ou presque après The killer, John Woo revient en Chine avec un film épique et historique, récit d'une gigantesque bataille ayant ébranlé la Chine il y a dix-sept siècle. Un film, ou des films ? Tout dépend du pays : sorti en Occident dans une version unique de 140 minutes, Les 3 royaumes (Battle of Red Cliff pour les anglophones) est à la base un diptyque atteignant les 4 heures de métrage, Woo estimant que l'intensité de la bataille ne pouvait qu'être restituée dans la durée. Reste que paradoxalement, alors qu'une centaine de minutes a été coupée, on a l'impression que notre version des 3 royaumes est plus ennuyeuse que son pendant asiatique. Il ne s'agit évidemment que d'une sorte d'intuition, mais cette version courte semble avoir sacrifié tant de piliers de l'histoire et tant de personnages secondaires que la sensation de manque prédomine de bout en bout.
On peut difficilement blâmer John Woo pour cela, car s'il est évidemment responsable de ce nouveau montage, il n'est aucunement celui qui a décidé de tronquer le film afin de le rendre prétendument plus accessible pour le spectateur occidental. Avoir en tête un film de quatre heures puis être contraint d'en sucrer la moitié ressemble à la fois à un casse-tête, un problème éthique et un infanticide. On attendra donc d'avoir le courage et la possibilité de voir le diptyque en bonne et due forme pour livrer un jugement définitif ; cependant, le montage n'explique pas tous les défauts des 3 royaumes. L'oeuvre est en effet d'un classicisme éhonté, totalement assumé par un Woo avide de retour aux sources et de pureté, mais tout de même un peu plombant. Le problème posé par ce genre de cinéma, c'est qu'il affiche un tel sérieux qu'il peut rapidement finir par en devenir risible. Le cinéaste a trop de talent pour qu'on en arrive à de telles extrémités, mais il est tout de même fort possible de faire une overdose de flonflons, de ronds de jambes et de traditions ancestrales. Surtout quand ceux-ci sont défendus par des acteurs étonnamment lisses, Takeshi Kaneshiro et Tony Leung livrant des prestations franchement décevantes.
Reste que Les 3 royaumesgagn, qui aurait donc gagné à être plus long pour devenir moins ennuyeux, reste à de très larges endroits un spectacle flamboyant, les scènes de combat étant mises en scène sans génie mais avec un mélange de panache et d'efficacité. Si John Woo peine visiblement à insuffler sa personnalité propre à ce projet, il est tout de même l'un des plus doués dès qu'il s'agit de chorégraphier le combat, de le rendre admirable sans pour autant encourager la guerre mais en respectant ceux qui la font pour une cause juste. Le plus passionnant dans tout cela reste sa façon de décrire les stratégies militaires, métaphores et termes techniques venant idéalement se mêler à une démonstration visuelle simplissime donnant au spectateur l'impression d'être intelligent. On en ressort essoufflé, exalté mais mitigé. Les trois royaumes version occidentale est tout de même plus proche d'une semi-réussite que d'un semi-ratage.
5/10
(autre critique sur In the mood for cinema)