Les faces en disent long. Les barbes pas faites, les traits tirés, les corps fatigués, les gars rentrent au garage après une autre nuit à travailler pour pas grand-chose. Avec un peu de chance, ils auront peut-être fait le salaire minimum, mais ce matin, j'en doute. Dans les rues de la ville passé minuit, il ne restait pratiquement que des taxis qui coursaient pour des clients inexistants. Les postes sont en surcharge, les appels se font attendre, c'est long longtemps, c'est frustrant, rageant, décourageant...
Y' a de la crise dans l'air. Depuis les fêtes, les gens ne sortent pas beaucoup, surtout les soirs de semaine. Faut accumuler les heures et mettre les bouchées doubles pour réussir à joindre les deux bouts. Le printemps a beau se préciser, je rêve presque qu'il nous tombe encore tout plein de neige pour qu'on puisse faire une petite passe avant que le beau temps s'installe pour de bon.
Mais je suis comme vous, j'en ai ma claque de l'hiver. De sentir ce soleil sur mon visage quand je commence mes longues soirées me réconcilie avec mon manque à gagner. Je reste heureux d'avoir un job que je n'arrive pas à détester malgré ce qu'elle inflige à mon corps. Je reste heureux d'avoir un job, point!
Je ne ferai pas de crise.