«Ma Tante» alias le Crédit Municipal dans le langage populaire parisien et peut-être provincial… Version moderne du «Mont-de-Piété» encore appelée «la banque des pauvres» qui y déposaient divers objets de plus ou moins grande valeur en gage quand l’argent venait à manquer. Parfois même leur matelas ! D’où l’expression «dormir sur la paille» faute de matelas…
Avec toujours l’espoir de les pouvoir retirer – en acquittant le montant du prêt augmenté des intérêts - avant le terme fatidique : la vente aux enchères des objets qui n’auront pas été retirés.
Pourquoi «Je vais chez ma tante» ? réponse empreinte de la dignité naturelle de la plupart des désargentés qui n’ont pas envie que tout le monde connaisse leurs difficultés quand bien même partageraient-ils souvent le même sort que leurs voisins…
L’expression doit être au moins aussi vieille que «déménager à la cloche de bois» à l’époque où les pauvres qui ne pouvaient plus payer leur loyer entassaient leurs quelques hardes dans une charrette à bras pour s’éclipser sans tambour ni trompette, le plus souvent de nuit.
Au milieu du XIXe siècle, l’on disait d’ailleurs «déménager à la ficelle» en raison du procédé utilisé : le locataire impécunieux descendant discrètement ses effets par la fenêtre à l’aide d’une corde afin de pouvoir passer devant le concierge les mains vides. Je suppose que l’expression argotique : «être ficelle» (rusé, voire carrément escroc) en dérive.
Les concierges – nombreux dans la plupart des immeubles dits «de rapport» quelque soit leur standing - étaient généralement de redoutables cerbères, et qui plus est, très souvent chargés de l’encaissement des loyers… Ils furent appelés «pipelets», du nom des concierges mis en scène par Eugène Sue dans les «Mystères de Paris» mais qui eux, étaient de très braves gens toujours prêts à secourir leurs locataires dans la misère.
Le Crédit Municipal s’est modernisé sans perdre pour autant sa vocation de prêteur sur gages. Toutefois, d’après un documentaire vu il y a déjà quelques années à la télévision, il est devenu plus sélectif quant aux objets acceptés : encore faut-il les pouvoir vendre aux enchères s’ils ne sont pas retirés.
J’y ai même vu une dame pas du tout désargentée qui avouait y mettre tous les étés son vison en gage : elle était sûre qu’il serait conservé dans les meilleures conditions pour éviter qu’il soit «bouffé aux mites» et les intérêts à acquitter pour le retirer l’automne venu lui revenaient nettement moins cher qu’un dépôt chez un fourreur… elle aussi était drôlement «ficelle» !
A Paris, il est installé depuis des temps immémoriaux dans un splendide hôtel particulier du Marais, rue de Francs-Bourgeois. Je suis souventes fois passée devant lors de mes longues pérégrinations parisiennes. A Orléans, j’ai le souvenir qu’il était situé à l’époque – il a déménagé depuis, ce me semble – dans une petite rue derrière le quai Barentin.
Mon père le désignait de loin lorsque nous traversions le Pont Joffre. Nous parlant à cette occasion de l’Affaire Stavisky, détournement de fonds du Crédit Municipal de Bayonne.
S’il me prend fantaisie ce soir de parler du Crédit Municipal c’est que j’ai entendu tout à l’heure sur France-Info, me réveillant d’une sieste bienvenue, un reportage sur le sujet. «Ma Tante» connaît – du fait de la crise - un intense surcroît d’activité et les «clients» appartiennent désormais à toutes les catégories sociales.
J’ai entendu une jeune femme qui venait de déposer une montre qui devait être de quelque valeur car elle était destinée, a-t-elle dit, à aider ses parents à payer leur loyer… Elle ajoutait, ce qui me semble l’évidence même, qu’il ne fallait pas avoir honte.
A mon avis, si quelqu’un devrait avoir honte aujourd’hui, c’est bien plutôt le sieur Thierry Morin – dirigeant débarqué de Valéo qu’il a mené à la déconfiture que l’on sait - et qui s’accroche comme un meurt de faim à son «parachute doré» de 3,2 millions d’euros lors même que 1600 salariés de l’entreprise doivent prochainement être licenciés ! C’est gens-là me répugnent.
Analyse pertinente d’un des responsables du Crédit Mutuel qui conforte ce que je pense depuis longtemps : le regain d’activité remonte au mois d’avril 2008 et non au krach boursier du 11 septembre…
Il était dû, selon lui, à la conjonction de trois facteurs : l’inflation très forte, les difficultés d’obtention de crédits (déjà !) et une première aggravation du nombre de chômeurs. Autant de phénomènes qu’il était loisible d’observer pour peu que l’on s’intéressât à l’actualité et aux données économiques.