On dit que les hommes s'expriment moins. «On», c'est souvent la tour d'ivoire qu'est le CLSC et leurs bien pensants et les spécialistes qui gagnent pas loin des six chiffres de revenus. «S'exprimer», pour un psychologue ou n'importe quel intervenant en sentimentalogie (je fais le fou ici) ça veut dire «en parler» à son entourage (famille, confidents, amis, collègues, etc.) et, éventuellement, à des professionnels (thérapeutes).
Toute cette belle théorie ne s'applique pas toujours rondement dans toutes les situations que peut vivre un individu. Si celui-ci vit une première dépression et que son réseau social est encore solide, il a de grandes chances de s'en sortir. Si son revenu est confortable, il pourra - au pire - se payer une thérapie à cent quelques dollars l'heure. Cependant, la pauvreté (concept encore trop flou dans le coco de nos chevaliers des tours d'ivoire de Québec) brouille les cartes. L'individu démuni peut vivre un stress continu et/ou répétitif, voir son réseau social fatigué de sa situation et, par le fait même, moins disposé à l'aider. Isolé, il ne lui reste que la thérapie. Ai-je besoin de vous faire un dessin? S'il est pauvre, l'individu en question ne peut consacrer 100 $ pour une maigre heure de jasette et, même s'il pouvait s'en payer une, il ne pourrait continuer la thérapie jusqu'à un résultat réellement applicable.
Pour revenir à la masculine problématique de parler: les filles ne sont pas dans la tête des gars. Je connais une seule amie qui l'est ;) et elle pourrait parler en connaissance de cause mais, pour les autres, elles se créent des légendes urbaines. Ici, je ne dis pas que tout ça est une légende urbaine; comprenons-nous. Je dis que la façon de communiquer d'un homme est différente de celles des femmes et peut être moins connue des spécialistes, moins étudiée parce que moins démonstrative, autrement extériorisée. Les hommes s'expriment à travers un réseau social où les pairs partagent des situations semblables dans un milieu discret. Lorsque moindrement ça se trouve «trop» public, l'homme ne se sent plus dans un cercle sécuritaire pour parler. On ne peut pas créer un «club de jasette d'hommes» et s'attendre à ce que les mâles s'inscrivent et y participent en grand nombre. Les dames, elles, le font sans difficulté car rien dans ce modèle ne vient entraver leur façon de «sortir» leurs sentiments.
Un homme va parler en privé, dans un environnement où la solidité, la stabilité, la solidarité et le pragmatique prévalent, assurant ainsi la création d'un chemin vers une solution applicable et permettant d'échanger des conseils des pairs qui empathisent. L'homme ne se lancera pas dans de belles théories de réconfort. Il veut un plan, des avenues, des outils. Personnellement, t'as plus de chances de me rencontrer dans un RONA que dans une clinique de psychothérapie.
Je reviens sur le manque de ressources financières... Prenons un coach. C'est un genre de solutionneux qui est le plus propice à rejoindre le coeur profond d'un homme par sa méthodologie cartésienne. Il fait un plan, il aborde des gestes concrets, il ouvre des portes sur un futur pragmatique. Je dis «il» pour le coach mais je pourrais facilement dire «elle» aussi. Je connais une coach qui a du mérite. À travers le coaching, l'homme sent qu'il avance vers la solution et qu'il quitte réellement la problématique. Voilà ce que homme veut! Et ça coûte de l'argent. Je ne paierais pas pour un coach à 12 dollars l'heure, certes. Ce ne serait pas crédible. Mais de 100 à 200, parfois plus, n'est certainement pas dans ma ligue. Soit que je fasse manger mes kids, soit que je me guéris. Et si je choisis de nourrir mes petits coeurs, je passe pour un homme qui ne veut pas s'exprimer.
À suivre