Le groupe indien Tata à lancé lundi la voiture la moins chère du monde, la Nano, avec plusieurs mois de retard et la crainte que le ralentissement économique en Inde ne dissuade les classes moyennes de s'offrir ce véhicule "révolutionnaire" à 2.000 dollars.
Cette mini-automobile à ultra bas coûts - moins chère qu'un puissant ordinateur portable - sera présentée en grande pompe à Bombay par Ratan Tata, président du conglomérat éponyme, avant son arrivée chez les concessionnaires début avril, a indiqué le porte-parole de la filiale Tata Motors, Debashis Ray.
1500 euros
Promise aux Indiens au tarif record de 100.000 roupies (2.000 dollars ou 1.500 euros) dans sa version la plus rudimentaire, la Nano pourrait être vendue en Europe à l'horizon 2010-2011 - mais à 5.000 euros - compte tenu d'équipements répondant aux normes de sécurité et de pollution, avait déclaré M. Tata au salon automobile de Genève début mars.
En attendant, seulement 30.000 à 50.000 exemplaires devraient être produits cette année en Inde, contre une prévision initiale de 250.000 unités par an, à cause d'incroyables obstacles rencontrés par Tata Motors pour la mise en production.
En octobre dernier, le premier groupe automobile indien avait purement et simplement dû abandonner l'usine de la Nano quasiment achevée dans l'Etat du Bengale occidental (est) et en construire une autre au Gujarat (ouest).
Après y avoir investi 350 millions de dollars, Tata avait été poussé hors du Bengale occidental par des manifestations de paysans, épaulés par des partis politiques régionaux, ulcérés par la réquisition de leurs terres pour en faire une zone industrielle.
Pas de clim', ni de vitres électriques
Dévoilée au monde entier en janvier 2008, la Nano devait envahir les routes indiennes à l'automne dernier, animée d'un minuscule moteur de 624 cm3 - celui d'une bonne moto - sans climatisation, ni vitres électriques, ni direction assistée.
Mais la nouvelle usine dans le Gujarat ne sera pas terminée avant la fin de l'année et il lui faudra des mois pour tourner à pleine capacité, a reconnu Tata Motors, qui a donc assemblé ses premiers modèles dans ses autres sites.
"C'est un lancement à la va-vite, puisque la principale chaîne de production n'est même pas prête", a critiqué Mahantesh Sabarad, analyste du courtier Centrum Broking à Bombay.
"Les ventes dépendront donc du rythme de production et, à l'heure actuelle, nous sommes vraiment préoccupés par la demande des consommateurs", a-t-il expliqué en pointant "la contraction des salaires ces derniers mois et les grosses craintes pour l'emploi".
De fait, la dixième puissance économique de la planète est violemment frappée par la crise mondiale et au bord de la déflation, c'est à dire d'une baisse prolongée des prix qui risque de plomber l'ensemble de l'activité.
Déjà, les ventes de voitures en Inde ont chuté de 20% fin 2008, après des années de croissance à deux chiffres.
Certes, le marché automobile est "sur un mode attentiste", admet D.K. Jain, patron de la concession Lumax Auto Technologies à Bombay, mais Tata "s'attend à voir le secteur repartir à long terme".
"J'en aurai pour mon argent"
"Nous recevons plus de 50 demandes d'informations par jour", assure Dennis Rankine, vendeur chez Wasan Motors, le principal concessionnaire de Tata Motors dans la capitale économique indienne.
Avec la Nano, "j'en aurai pour mon argent", se félicite Hasmukh Kakadia, un jeune cadre financier qui veut se débarrasser de sa Ford Fiesta achetée 13.000 dollars. "Dans une économie en berne, je réfléchirais à deux fois avant de mettre de l'argent dans une nouvelle voiture. Mais pas pour celle-là", dit-il.
(belga/dl)