La fatwa, c'est une condamnation à mort prononcée contre une femme par un imam.
C'est aussi le titre d'un livre de Jacky Trevane, un livre violent. On dit des films que les images peuvent être violentes ; les mots aussi peuvent l'être, certains passages de ce livre ont
été très durs à lire, je devais m'interrompre un instant de lire pour souffler un coup.
Ce livre retrace l'histoire d'une jeune femme britannique qui, il y a vingt ans de ça,
à l'âge de 23 ans, est tombée amoureuse d'un égyptien, Omar, lors d'un séjour touristique. Mais il ne s'agit, malheureusement, pas d'une amourette de vacances ; il s'agit d'un calvaire qui va
durer plusieurs années : Jacky est tombée dans les griffes d'une brute, dans un islam radical où les chiens sont mieux traités que les femmes. A peine 10 jours après leur rencontre, que Jacky
décrit comme un vrai coup de foudre, Omar lui demande de l'épouser ; elle accepte. Elle repart en Angleterre pour tout plaquer, son travail et sa vie britannique ; ses parents la supplient de ne
pas retourner en Egypte, convaincus qu'elle commet là une erreur ; mais Jacky, guidée par l'amour, retournera aux côtés de son tout nouveau mari.
Jacky a troqué une vie confortable en Angleterre contre une vie dans la misère en Egypte, qu'elle a tenté de cacher à ses parents pour ne pas les inquiéter. Mais arrive le jour où ces derniers
veulent rendre visite à leur fille :
" Doux Jésus ! Ne me dis pas que tu as quitté l'Angleterre pour ça ? a dit mon père en faisant le tour de notre logement en hochant la tête.
Gênée par ses remarques, je me suis désespérément tournée vers maman. (...). Maman m'a suivie dans la deuxième chambre. J'avais poussé notre vieux lit dans un coin et collé un poster de Winnie
l'ourson sur le mur. J'avais même emprunté des draps pour que mes parents en aient deux, ainsi qu'une couverture. Ma mère s'est tournée vers moi, une larme a coulé sur sa joue. (...)
- Ne sois pas triste, maman. C'est ma vie, c'est celle que j'ai choisie. Ca va bien".
En réalité, ça ne va pas du tout. Très vite, Omar n'a plus eu le visage du doux séducteur attentif ; il a révélé son autre facette : celle d'un mari brutal, violent, dangereux. Les scènes de
violence conjugale se sont multipliées.
Après avoir eu une première petite fille dans de bonnes circonstances, les choses se sont gâtées lorsqu'elle a annoncé sa deuxième grossesse : c'était trop tôt pour avoir un deuxième enfant, et
Omar a failli la tuer pour cela :
"- Nous allons avoir un autre bébé.
Il a mis un certain temps à mesurer la portée de ce que je venais de dire. C'était le calme avant la tempête. Il s'est levé tout à coup, m'a repoussée et a jeté le gateau par terre. Ses yeux
lançaient d'inquiétants éclats. Il m'a agrippée par la robe, mise debout, jusqu'à ce que son visage frôle le mien.
- Tu es folle ! Il est hors de question que nous ayons un autre bébé maintenant. Nous n'avons pas d'argent, pas de meubles, pas de voiture, même pas un frigo pour avoir de l'eau fraîche. Il n'y
aura pas de bébé !
Il a levé le poing et m'a frappée au visage. Le coup m'a propulsée à l'autre bout de la pièce. Je me suis écroulée contre notre table de fortune qui s'est renversée sur moi.
En colère, je me suis assise et, avec ma manche, j'ai essuyé le sang qui coulait de ma bouche. La rage s'est emparée de moi alors que je me relevais, toute tremblante.
- Comment oses-tu me frapper ? Comment oses-tu t'en prendre à moi à cause de ta propre négligence ? ai-je crié. Tu te crois fort quand tu me frappes, c'est ça ? Ca te fait du bien de me taper
dessus ? Moi, je trouve que ça te donne l'air ridicule. Espèce de brute !
Je me suis baissée pour prendre un morceau du gateau qui gisait par terre.
- Et ce n'est pas haram de jeter la nourriture ? lui ai-je demandé. On dirait que, quand ça t'arrange, tu piétines les lois de l'islam.
Et je lui ai envoyé sa part de gateau à la figure. Il n'en revenait pas, jamais je ne lui avais parlé ainsi. Mais je m'en fichais. Je souffrais, au plus profond de mon être. Qu'avais-je à perdre
? Je me suis retournée et me suis laissée tomber sur une chaise. La douleur du coup qu'il m'avait porté commençait à se faire sentir. Je saignais tellement abondamment de la bouche que j'étais
obligée d'avaler mon sang.
En une fraction de seconde, il est venu vers moi, m'a attirée vers lui et m'a frappée dans le dos. Je suis tombée en geignant. Il m'a emmenée dans la salle de bains et m'a versé de l'eau sur la
tête avec un broc. Le sang s'est répandu sur mon visage et dans mes cheveux.
- Ma femme ne me parle pas comme ça ! a-t-il rugi. Et je n'ai pas de comptes à te rendre concernant l'islam. Tu vas me le payer !
Il m'a empoignée par les cheveux et m'a entraînée dans le salon. J'ai cru que mes oreilles se décollaient. J'ai commencé à sangloter :
- Omar, je t'en prie, je suis désolée. Arrête !
Il m'a alors retournée pour me piétiner le ventre, quatre ou cinq fois. J'ai hurlé de douleur, mais j'ai tout de même trouvé la force de me traîner à genoux. Le fou furieux m'a alors agrippé les
cheveux et frappée au visage comme je tentais de me relever. Je pleurais de douleur tellement j'avais mal au ventre, mais je cherchais toujours à fuir.
Il m'a arrêtée avant que j'atteigne la porte, a mis sa main sur mon cou et a serré. Je me suis débattue, mais c'était inutile : il était beaucoup trop fort. J'avais du mal à respirer, j'ai cru
que ma tête allait exploser et j'ai soudain senti mon corps se dérober.
Comprenant qu'il allait me tuer, en un dernier sursaut, j'ai levé les mains et l'ai griffé à la gorge. Il m'a lâchée et a couvert son cou de ses mains en jurant. C'était le répit dont j'avais
besoin. J'ai rapidement ouvert la porte et me suis mise à tambouriner désespérément à celle de Mervette [sa voisine].
Ce soir-là, c'est elle qui m'a sauvé la vie."
Après ce dramatique épisode, Jacky a bien entendu fait une fausse couche. Elle prendra un moyen de contraception, mais elle aura pourtant, quelque temps plus tard, une autre enfant, Amira
; une grossesse cette fois-ci demandée par Omar qui voulait un garçon et qui lui a donc demandé d'arrêter sa contraception.
Pendant des années, elle va supporter le pire : les violences quotidiennes, l'humiliation, même le viol, par son beau-frère. Ce dernier étant très respecté dans la famille d'Omar, lorsque Jacky
tentera de raconter ce viol à son mari, celui-ci ne la croira pas et, la traitant de menteuse, la frappera de plus belle.
Les choses s'aggravent lorsque Leila, la première petite fille de Jacky, âgée alors de 3 ans, a elle aussi son lot : au moindre bruit que cette enfant pourtant sage pouvait faire, elle recevait
des claques. Un jour, elle est allée sur le balcon en tournant sur elle-même. Omar l'a immédiatement fait rentrer à l'intérieur et l'a violemment frappée avec une ceinture sur l'arrière des
jambes jusqu'au sang.
Jacky a alors réagi : elle pouvait supporter les coups contre elle, mais il était hors de question qu'on touche à ses filles ; il fallait qu'elle les protège.
Dans le dos de son mari, avec l'aide précieuse de sa famille en Angleterre et de l'ambassade britannique, Jacky va organiser sa fuite, semée d'embûches, ses deux enfants sous les bras.
Un livre-témoignage très poignant, violent aussi, où Jacky Trevane conclut :
"J'ai écrit ce livre pour deux raisons.
La première pour raconter les évènements qui ont abouti à la naissance de mes filles et à notre évasion, sur laquelle Leila et Amira ne m'ont que fort peu questionnée jusqu'à présent. Ce livre
leur permettra d'en savoir davantage.
La deuxième pour alerter toutes ces filles romantiques qui rencontrent et tombent follement amoureuses d'un bel étranger. Attention ! Lisez et retenez mon histoire. Si je parviens à dissuader,
grâce à ce livre, ne serait-ce qu'une seule d'entre vous de partir sous des cieux lointains, alors que je ne l'aurais pas écrit en vain."
C'était il y a vingt ans. Mais Jacky vit toujours sous la menace de la fatwa prononcée contre elle après son évasion.
La même histoire a été vécue et racontée en 1986 par Betty Mahmoody dans "Jamais sans ma fille" : L'histoire d'une américaine qui va connaître le même enfer après avoir épousé un
iranien.