Il y a une expression que je déteste particulièrement, c’est «Il faut savoir jusqu’où ne pas aller trop loin». Ça sent son politiquement correct à 100 lieues. Il suffit de regarder autour de soi pour voir à quel point la provoc’ à deux balles est devenu la règle, reléguant la provocation géniale (Duchamp et son urinoir date de 1917, je le rappelle) au rang d’exception qui la confirme. Je vais prendre un exemple au hasard, cette pub pour Durex.
Elle met en scène des petits animaux en ballon qui se voient, se reniflent, s’accouplent dans toutes les positions, se reposent, embarquent un troisième larron de latex dans une partie de bicyclette bulgare endiablée. Le tout rythmé par le bruit du plastique gonflé et frotté de nos bestioles surexcités. Mes amis se sont empressés de m’envoyer les liens, il y a deux ou trois mois, avec des «Lol» et des «mdr» à tire-larigot. Je l’ai vu repasser par ma messagerie, récemment, c’est pour cela que je vous en parle. Le buzz dit que ce clip, destiné au marché américain, serait interdit en France. C’est d’ailleurs ça qui m’a mis de mauvais poil, si je puis dire sans verser dans la plaisanterie graveleuse. Je dis bien haut ce que je suis le seul à penser tout bas. : je trouve ça un peu facile, côté humour et provocation. Si, si ! Inutile de protester, c’est mon blog. Et c’est moi qui modère les commentaires…
C’est trop facile, et je le prouve ! Il suffit qu’on parle de sexe pour que de vagues sourires gênés apparaissent sur les visages poupins de nos contemporains, que leurs yeux pétillent de joie contenue, et que, dans les jardins, les lilas se trémoussent, comme disait Trenet. On mettrait en scène des légumes, des ustensiles de cuisine, des origamis, des fruits de mer ou des boulons de 8, le résultat comique serait le même. Le sexe fait partie des sujets qui permettent de déclencher l’hilarité sans trop se fatiguer. Vous me direz que là, l’analogie entre le matériau de base du préservatif et les animaux en ballons est assez réussie.
Je serais dans un bon jour, ça parviendrait à m’arracher un long sourire douloureux. Pourquoi rire aujourd’hui, si ce n’est pour oublier qu’on risque de perdre son emploi avant d’avoir vu la fin du clip ? Et qu’il faudra attendre 150 ans avant de pouvoir baffer Bernie Madoff à sa sortie de prison ? Non, en fait, mon vrai sentiment, c’est que c’est un peu paresseux côté humour, et que côté provoc’, ça ne va pas assez loin, si je puis m’exprimer ainsi sur un sujet aussi propice à la gaudriole verbale.
Ah, c’est sûr, il y a fort à parier qu’il y aurait eu quelques dégâts sur l’image de nos fabricants de ballons d’amour. Mais on n’a rien sans rien. Ça se serait aussi terminé, j’en mets ma main au panier, pardon au feu, par un procès retentissant. La loi est dure, mais c’est la loi. Durex sed lex. Mais au moins, là, j'aurais rigolé !