Il est sexy, rock’n'roll, New Yorkais, underground, talentueux. Le problème, c’est qu’il le sait un peu trop.
Gallo, 1962-1999 est un essai et un livre de photos de Vincent Gallo, cet acteur-musicien-réalisateur-peintre-photographe qui incarne, en gros, l’esprit de l’art indépendant aux Etats-Unis. La façon dont ce livre est arrivée dans mes mains est on ne peut plus charmante. Le jour de mon anniversaire, un ami plasticien est venu accompagné de son voisin, un Turc qui travaille à Berlin comme assistant d’artiste. Je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam, pourtant, le jeune homme est arrivé avec un cadeau extrait directement de sa bibliothèque personnelle, Gallo, 1962-1999.
Le livre s’ouvre sur un essai rédigé avec beaucoup d’humour, dans un style coq-à-l’âne vraiment enthousiasmant :
Does the word alarm ring a bell? If George Lucas was a musician, he’d be bad jazz fusion. Drum solo. Two peanuts were walking down the street one was salted.
(Cette dernière phrase m’enthousiasme tellement que j’en ai fait mon slogan).
Gallo s’attaque à tout ce qui bouge, crache dans la soupe du cinéma, rigole, vitupère, lance des piques, et soudain, s’émeut en racontant l’histoire d’un oiseau blessé qu’il a tué en se lançant à lui-même un défi stupide. On est immédiatement conquis par cette plume irrévérencieuse et sensible.
Puis viennent les photos. De belles photos, bien présentées, entre underground pur (la photo de la première petite copine à l’âge de onze ans), art (lui et Basquiat à New York), et fashion-victimisation (ses photos pour Costume National). Tout est légendé dans un esprit décalé, qui laisse parfois perplexe. En témoigne cette photo superbe de Christina Ricci, héroïne de son film Buffalo 66 : Day I met Christina Ricci which was the luckiest day of her life. (Le jour où j’ai rencontré Christina Ricci, qui était le plus beau jour de sa vie).
Gallo n’épargne pas grand-monde, d’ailleurs. Sur Christina Ricci, il écrit : I cast her 40 pounds over weight. She had bad hair, no style and not a clue. I got her looking beautiful in my film and now when she sees me she asks what my name is. (”Je l’ai embauché alors qu’elle faisait 20 kilos de trop. Elle était mal coiffée, n’avait pas de style et ne comprenait rien. Je l’ai sublimée dans mon film, et maintenant, quand elle me voit, elle me demande comment je m’appelle”). C’est à se demander si Gallo cherche à se faire des ennemis, se venge en rédigeant son bouquin ou bien plaisante au vitriol. Selon lui, Ewan Mc Gregor et Liam Neeson sont des alcooliques, son ex-copine était une passive-agressive, et il adore Reagan. Gallo brouille-t-il les pistes, ou bien est-il tellement déjanté qu’il croit vraiment ce qu’il dit? Allez savoir.
J’ai eu l’étrange sensation, en lisant ce bouquin, de me trouver devant le journal intime impudique et narcissique d’un mec toutefois assez génial. Après tout, Vincent Gallo incarne bien notre époque. Il est à la mode, il est perso (je suis étonnée qu’il ne blogue pas lui-même, d’ailleurs), il a un réseau social et professionnel ultra-branché, il habite à New York, il est multi-talents, il fait ce qu’il veut, dit ce qu’il veut et emmerde le monde. Cela doit être pour ça que les gens l’adorent.
Et moi aussi. Il m’énerve, mais je l’adore. J’ai envie de lui mettre des claques, mais je pense qu’il aimerait ça. Son film, The brown bunny, m’a ennuyée à mourir, et finalement je l’ai trouvé fantastique. On ne comprend rien à Vincent Gallo? Tant mieux. Quel type, quand même.